Si le réchauffement de la planète se poursuit, les phénomènes extrêmes liés au changement climatique ne cesseront d'augmenter. Avec chaque dixième de degré de réchauffement, le risque que le climat bascule s’accroît ; les conséquences d’une telle évolution sont incontrôlables, voire fatales.
Les années passées montrent, et de façon choquante, que le système climatique est aujourd’hui déjà massivement perturbé. Les périodes de chaleur persistante, les sécheresses ainsi que les précipitations excessives, accompagnées de violentes tempêtes, augmentent sensiblement. Les dégâts causés par ces phénomènes météorologiques extrêmes augmentent de façon inquiétante, ils détruisent des existences, menacent les droits humains et rendent les gens malades – chez nous et partout dans le monde. Si nous ne baissons pas plus rapidement les émissions, ces conséquences seront plus graves. Ce constat est scientifiquement avéré, aucun doute là-dessus. C'est pourquoi l'objectif de la Suisse, tout comme des pays du monde entier, est de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C maximum.
Mais nous sommes loin d’être sur la bonne voie. Un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) montre que le monde se dirige vers une hausse des températures qui dépassera largement les objectifs de l'Accord de Paris, si les États ne font pas mieux que ce à quoi ils se sont engagés. La Suisse ne fait pas exception. Les chiffres récents concernant le budget CO2 (qu’il est indispensable de respecter si nous ne voulons pas faire exploser la barre des 1,5°C), montrent clairement que la stratégie climatique de la Suisse ne permettra pas de respecter cette limite. Suivant le mode de calcul, le budget CO2 de la Suisse sera épuisé sous peu, à moins qu’il ne le soit déjà à l’heure actuelle.
1 https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2023
Si la Suisse veut contribuer à sa juste part à la résolution de la crise climatique et s’acquitter de sa dette climatique, la conduite à tenir est claire : la Suisse doit mettre le turbo en matière de protection du climat. Elle doit se transformer rapidement en un pays qui s'est libéré de sa dépendance aux combustibles fossiles. De plus, elle doit utiliser tous les moyens dont elle dispose pour que les émissions diminuent rapidement aussi à l'étranger. Entre autres, elle doit augmenter le financement international pour le climat afin de soutenir d'autres pays dans leur transformation. C’est aujourd'hui que la Suisse commence sa transformation.
C'est ici qu'intervient le troisième Masterplan climat de l'Alliance Climatique Suisse. Il expose les objectifs de la transformation et montre comment la Suisse doit utiliser ses leviers de protection du climat pour atteindre la neutralité carbone dans les dix prochaines années. Le plan illustre comment notre pays peut réduire radicalement ses émissions intérieures en l'espace d'une dizaine d'années et décrit comment les émissions restantes seront éliminées de l'atmosphère. Le plan montre, sans laisser de doutes, que la Suisse dispose de divers leviers lui permettant d'influencer de manière déterminante les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, que ce soit par le biais de sa place financière, des nombreuses entreprises implantées dans le pays mais actives à l'international ou de ses importations et exportations. Dans les chapitres qui suivent, les obstacles qui actuellement freinent, voire empêchent une transformation rapide font l’objet d’une description claire et concise, suivie d’un mix d'instruments divers susceptibles d’éliminer ces obstacles afin que la transformation s’accélère.
Une transformation rapide est possible, à condition que nous remplacions les règles du jeu actuelles, qui alimentent le réchauffement climatique, par des règles qui nous permettent de sortir des énergies fossiles pour créer un monde respectueux du climat.
En signant l'Accord de Paris, les États sont accordés pour contenir l'augmentation de la température globale en dessous de 1,5°C afin de prévenir les conséquences les plus dévastatrices du réchauffement climatique. La limite de 1,5°C a été confirmée de manière juridiquement contraignante par l'arrêt de la Cour européenne des droits humains (CEDH) dans l’affaire des Aînées pour le climat (voir également plus bas) : La Suisse – comme tout autre pays qui respecte les droits humains – doit sérieusement aligner sa politique climatique sur l’objectif que représente la limitation du réchauffement à 1,5°C.
Cela ne sera possible que si l’on tient compte des relations physiques entre l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère et l'augmentation de la température qui en résulte. Le budget CO2 global restant doit être respecté par tous les pays. La question est de savoir quelle doit être la contribution de chaque pays pour que le réchauffement global ne dépasse pas les 1,5°C. À ce jour, il n'existe pas de logique de répartition acceptée par tous.
La Suisse prétend que sa politique climatique actuelle a été conçue pour respecter la limite de 1,5°C, puisque les objectifs climatiques suisses concordent avec les trajectoires de réduction globales prônées dans les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La logique simple de la Suisse est la suivante : si le monde doit réduire ses émissions de 50 pour cent d'ici 2030 et atteindre le zéro net d'ici 2050 pour ne pas dépasser 1,5°C, il suffit que la Suisse se fixe les mêmes objectifs. Cette argumentation séduit par sa simplicité, mais elle est injuste. En effet, elle avantage considérablement la Suisse par rapport aux pays qui ont généré moins d'émissions jusqu’à présent et qui affichent actuellement une valeur par habitant plus faible. L'approche ne tient pas compte de la responsabilité vis-à-vis des émissions déjà produites. Selon la logique : ceux qui consomment déjà beaucoup et ont des émissions élevées doivent bénéficier de plus d'aides à l'avenir. Un pays comme la Suisse, qui s'est enrichi et a pu bâtir sa prospérité grâce à des émissions de gaz à effet de serre élevées, doit réduire ses émissions plus rapidement qu'un pays encore en voie de développement.
Notre stratégie climatique nationale doit respecter le budget CO2 global et prendre en compte les revendications justifiées des autres pays. Un budget CO2 national qui ne fait pas référence au budget global mentionne juste la quantité de CO2 qu'un État s'octroie à lui-même.
Étant donné que non seulement la Suisse mais bon nombre d’autres pays mènent une politique climatique en leur propre faveur en planifiant des émissions trop élevées, nous sommes actuellement loin d’être sur la bonne voie au niveau mondial pour éviter une perturbation dangereuse du système climatique.
La Suisse, mais aussi de nombreux autres pays, développent des politiques climatiques qui les favorisent avant tout eux-mêmes. Ils planifient de continuer à émettre des quantités trop élevées d'émissions. Par conséquent, nous ne sommes actuellement pas sur la bonne voie au niveau mondial pour éviter une perturbation dangereuse du système climatique.
La Suisse, comme pratiquement tous les autres pays du monde, a ratifié l'Accord de Paris, qui oblige tous les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Avec l’Accord de Paris et les lois qui en découlent (par exemple, la loi sur le climat), la Suisse s'est engagée à :
contribuer à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C maximum par rapport au niveau préindustriel (objectif limite de 1,5°C)
réduire autant que possible les émissions de gaz à effet de serre en Suisse et à compenser les émissions restantes par l'élimination du CO2 (objectif net zéro)
orienter les flux financiers de la Confédération et du secteur financier suisse vers un développement à faibles émissions résistant au changement climatique (objectif ressources financières)
apporter sa contribution à la protection internationale du climat. Les pays riches, responsables d’émissions historiques élevées, aident les pays plus pauvres à mettre en œuvre un développement à faibles émissions et à faire face aux dommages liés au changement climatique (objectif partage équitable et financement).
Le peuple a obligé la Confédération et les cantons à jouer un rôle de modèle : les objectifs, qui sont ceux de toute la Suisse, doivent être atteints bien plus tôt par la Confédération et les cantons (objectif exemplarité).
Après l'Accord de Paris, d’autres décisions ont été prises lors de plusieurs conférences sur le climat. Les principaux développements concernant les objectifs sont les suivants :
Objectif limite de 1,5°C et objectif net zéro – réduction des émissions de méthane : en 2021 à Glasgow, 150 pays ont signé le Global Methane Pledge, par lequel ils s’engagent à réduire de 30% les émissions mondiales de méthane d'ici 2030. Cette promesse est décisive, puisqu’elle pourrait réduire le réchauffement de 0,1 degré. La Suisse a signé le Pledge, mais elle ne fait pas grand-chose pour apporter une contribution adéquate à cet égard.
Objectif limite de 1,5°C et objectif net zéro – développement des énergies renouvelables et augmentation de l'efficacité énergétique : en 2023 à Dubaï, il a été décidé que le développement annuel des énergies renouvelables devait tripler et que les gains annuels en efficacité énergétique devaient doubler d'ici 2030. La Suisse, comme 130 autres pays, s'y engage volontairement. Tous les pays sont appelés à tenir compte de ces objectifs dans leurs plans nationaux de CDN (contributions déterminées au niveau national) à soumettre en 2025.
Objectif ressources financières – fonds publics et secteur financier :
En 2021 à Glasgow, la Suisse et plus de 40 pays ou banques de développement ont signé une déclaration selon laquelle plus aucun argent public ne devait être investi dans le développement d'infrastructures promouvant l'énergie fossile. Un monitoring actualisé montre que cette mesure a été globalement efficace, mais aussi que la Suisse est la mauvaise élève quant à la mise en œuvre. La raison en est que l'Assurance suisse contre les risques à l'exportation (ASRE) continue d'assurer les exportations de centrales à gaz à grande échelle.
2 https://www.iisd.org/articles/press-release/leaders-cuts-fossil-fuel-finance-short-clean-energy
Également à Glasgow en 2021, 160 grands acteurs financiers gérant plus de 70'000 milliards d’USD d'actifs se sont regroupés pour former la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ).
Objectif financement – mise à disposition des moyens nécessaires à la transformation, à l'adaptation et à l'atténuation des dommages : en 2022, un fonds destiné à couvrir les dommages et pertes liés au climat (Loss & Damage) a été créé à Charm el-Cheikh et doit maintenant être opérationnalisé et alimenté. Lors de la conférence de Bakou en 2024, le montant des nouveaux engagements pour le financement des réductions d'émissions dans le monde entier ainsi que pour les mesures d'adaptation dans les pays particulièrement touchés est fixé. La juste part que la Suisse devra verser au minimum sera établie à partir de là.
La crise climatique est un problème global qui doit être résolu par tous. Le monde est cependant encore loin de contenir la crise climatique.
Le rapport annuel sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (Emissions Gap Report EGR) du Programme des Nations unies pour l'environnement recense les efforts de tous les pays et les évalue par rapport à l'objectif commun. Selon ce rapport, la mise en œuvre des CDN (contributions déterminées au niveau national) fixées dans le cadre de l’Accord de Paris limiterait l'augmentation de la température à 2,9°C par rapport aux niveaux préindustriels, au cours de ce siècle. Si, en plus, les contributions nationales en faveur du climat liées à certaines conditions étaient pleinement mises en œuvre, ce chiffre serait ramené à 2,5°C.
3 https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2023
Il faut donc un apport considérable de la part de tous les pays pour que la limite de 1,5°C reste à portée de main. Les efforts de protection du climat à l'échelle mondiale doivent quasiment doubler afin que le danger d’une perturbation dangereuse du système soit écarté.
Pour que la limite de 1,5°C ne soit pas dépassée, le respect du budget global de CO2 encore disponible (également appelé budget carbone ou budget climatique) est déterminant. Sur la base du lien entre la quantité accumulée de CO2 et le réchauffement qui s’ensuit, il est possible de déterminer la quantité maximale de CO2 qui peut encore être émise si l’on veut limiter l'augmentation de la température globale à 1,5°C. Si le budget restant est surexploité, il en résultera inévitablement un réchauffement plus important.
Tableau 1 : Le budget CO2 restant selon le GIEC AR6 et l'estimation scientifique révisée de 2024 pour différentes probabilités statistiques d’arriver à respecter la limite de 1,5°C.
4 https://essd.copernicus.org/articles/16/2625/2024/#section8
Le tableau montre que le budget CO2 restant à l'échelle mondiale est seulement de 150 jusqu’à 200Gt CO2. En calculant avec un niveau d'émission global constant d'environ 40 Gt de CO2 en 2023, le budget CO2 restant sera déjà épuisé en 2029 (!) si l’on compte avec une probabilité de 50% d’arriver à respecter la limite de 1,5°C. C'est pourquoi on peut lire partout que la fenêtre permettant d’éviter une perturbation dangereuse du système climatique se referme rapidement. Seules la réduction substantielle et rapide des émissions mondiales avant 2030 permettra de maintenir cette fenêtre ouverte.
Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits humains (CEDH) a rendu un arrêt historique contre la Suisse dans l'affaire des Aînées pour le climat : il existe un droit à une protection efficace du climat au titre des droits humains. Dans son arrêt, la CEDH constate que les conséquences du dérèglement climatique, telles que les vagues de chaleur et les sécheresses, menacent les droits, garantis par la Convention européenne des droits humains, des personnes vivant aujourd'hui et, à plus forte raison, des générations futures. Pour protéger les droits humains, chaque État doit donc apporter sa part pour éviter une perturbation néfaste du système climatique. Dans ce contexte, la CEDH a fixé la limite du réchauffement climatique de 1,5°C maximum, limite acceptée par la Suisse et pratiquement tous les autres pays, comme limite pertinente en matière de droits humains. Concrètement, cela signifie que chaque État a la responsabilité de contribuer sa part pour limiter le réchauffement global à 1,5°C maximum. La Suisse aussi !
Pour respecter le budget global de CO2, il faut une répartition des efforts entre tous les pays. La question est de savoir quelle est la part du budget à laquelle chacun des pays a encore droit. Jusqu'à présent, on ne s’est pas mis d’accord sur une répartition des efforts acceptée par tous. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a évoqué, en 1992 déjà, la responsabilité partagée mais distincte des différents pays, et la Suisse s'est engagée dans ce sens depuis des décennies.
Du point de vue de l'Alliance Climatique, cela signifie que la Suisse doit concevoir sa stratégie climatique de sorte que
la probabilité d’arriver à respecter la limite de 1,5°C soit d'au moins 50%,
5 Le principe de précaution exigerait une probabilité supérieure à 95%, précisément parce que les effets sont incertains et importants. Cependant, il s'agit ici de relations physiques, raison pour laquelle nous utilisons ici l'estimation moyenne (=50%) de la science.
et que cette approche permette de respecter le budget de 200 Gt de CO2, à condition que tous les États suivent la même démarche. Cela présuppose que l’ensemble des États apportent leur part équitable aux efforts globaux de protection du climat.
Un juste partage veut dire que les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont répartis équitablement à l’échelle mondiale (fair share). Concrètement, cela signifie qu'aucun État ne s‘arroge une part plus grande du budget CO2 restant que ce qui lui revient réellement – principe basé sur des facteurs de décision tels que la responsabilité historique d'un État dans la crise climatique et sa capacité à participer à la résolution du problème.
Afin de pouvoir déterminer les exigences que la Suisse doit remplir en vue d’une décarbonisation compatible avec la limite de 1,5°C, nous présentons quatre possibilités de répartition du budget CO2 restant entre les différents pays.
Prise en compte d'un droit égal par habitant, sans responsabilité historique : après la conclusion de l'Accord de Paris, le budget CO2 alors restant est réparti, à partir de 2016, entre tous les pays en fonction de leur population.
Prise en compte d'un droit égal par habitant, avec une responsabilité historique : en 1990, le premier rapport complet du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a clairement défini la situation climatique de tous les pays ayant adopté le rapport à l'époque. C'est pourquoi, dans cette approche, on calcule un droit égal par habitant au budget CO2 restant en 1990. Cela permet de tenir compte du fait que depuis lors les émissions ont augmenté année après année, malgré les connaissances en matière de dérèglement climatique.
Prise en compte de la capacité à participer à la résolution du problème, mesurée en fonction de sa puissance économique, droit égal par habitant à partir de 1990 ou de 2016 : cette approche tient compte du fait que c’est grâce aux émissions élevées générées par le passé que la puissance économique du pays s’est développée, si bien que celui-ci dispose à présent d’un potentiel d'action élevé pour passer à des systèmes énergétiques net zéro. Les montants à verser peuvent être calculés à partir de 1990 (en tenant compte d'une responsabilité historique) ou de 2016 (sans responsabilité historique).
Les deux approches qui tiennent compte de la puissance économique d'un pays respectent le concept de partage équitable (fair share) mentionné ci-dessus. Les calculs du budget carbone restant pour la Suisse en fonction de l'approche de la répartition des efforts choisie ont été effectués en 2024 par Konstantin Weber et Cyril Brunner de l'EPF de Zurich. Le tableau ci-dessous présente les résultats.
6 Pour les calculs, nous avons utilisé des données récentes concernant le budget CO2 global (Lamboll et al. (2023) - https://www.nature.com/articles/s41558-023-01848-5). Celles-ci sont pratiquement identiques aux budgets CO2 calculé à partir du 01/01/2024, présentés ci-dessus, si l'on ajoute les émissions annuelles de 2023. Le budget global compatible avec les 1,5°C à partir du 01/01/2023 est donc de 247 Gt CO2 pour une probabilité de 50% et de 160 Gt CO2 pour une probabilité de 67%. Pour le calcul des budgets nationaux, les carburants pour avions (bunker fuels), qui ne sont imputés à aucun pays, ont été déduits du budget global avant que celui-ci ne soit réparti entre les pays suivant l'approche choisie pour la répartition des efforts. De plus, le budget CO2 restant a été calculé non pas d’après la méthodologie du GIEC pour la saisie des gaz à effet de serre mais par celle de la CCNUCC utilisée par les pays, où l’on considère, p. ex., que davantage de puits de carbone des forêts sont évalués comme étant d’origine humaine plutôt que naturelle (cf. p. ex. Gidden et al., 2023). Dans le cadre de la répartition des efforts en fonction de la puissance économique d'un pays, un PIB cumulé par habitant est calculé à partir de l'année 1950, et le budget est attribué aux pays sur la base du PIB cumulé inverse par habitant. Il en résulte que les pays riches à forte capacité économique, qui sont les premiers responsables du réchauffement climatique, doivent également assumer la responsabilité première quant à la réduction des émissions. Le budget CO2 global est aligné sur l'évolution des autres gaz à effet de serre, comme dans Lamboll et al. (2023). Les autres gaz à effet de serre doivent être réduits comme suit entre 2020 et 2050 afin d'être en phase avec le budget CO2 compatible avec 1,5°C : Le calcul se base sur les chemins de réaction globaux suivants (valeur médiane avec percentile 25% et 75% entre parenthèses) : Méthane : -51% (-47% à -60%) Protoxyde d'azote : -22% (-7% à -35%) Gaz fluorés : -91% (-47% à -98%) Si les émissions des autres gaz à effet de serre sont réduites plus lentement, le budget CO2 diminue, et inversement.
Tableau 2 : le budget CO2 de la Suisse, calculé pour quatre approches possibles, selon les calculs de Konstantin Weber et Cyril Brunner de l'EPF Zurich. Exemple de lecture : Si le budget global de CO2 est réparti selon l'approche de répartition "Capacité à participer à la résolution du problème (puissance économique) avec droit égal par habitant à partir de 2016", en 2016 le budget CO2 restant pour la Suisse s'élevait encore à 61 millions de tonnes, pour une probabilité de 50 % de pouvoir respecter la limite de 1,5°C.
Nous avons déterminé le budget CO2 dont la Suisse dispose à partir du 1er janvier 2023 sur la base des budgets CO2 calculés ci-dessus et des données relatives aux émissions de CO2 générées par le passé. En outre, nous avons calculé l'année de dépassement du budget sur la base de la politique climatique telle qu’elle est planifiée jusqu'en 2030 et 2050. À cet effet, nous supposons que les émissions de CO2 continueront à baisser à partir du 1er janvier 2023, de 34% par rapport à 1990 d'ici 2030, en raison des mesures décidées dans la loi sur le CO2 ; de 75% d'ici 2040 en raison de l'objectif fixé dans la loi sur la protection du climat qui concerne tous les gaz à effet de serre.
Tableau 3 : Calculs de l'Alliance Climatique du budget CO2 restant à partir du 1er janvier 2023 selon la répartition des efforts et l'année de dépassement du budget en cas de poursuite de la politique climatique suisse actuelle. Exemple de lecture : selon la répartition du budget d’après l'approche de répartition des efforts "Capacité à participer à la résolution du problème (puissance économique) avec droit égal par habitant à partir de 2016", en 2016 le budget CO2 restant pour la Suisse s'élevait encore à 61 millions de tonnes, pour une probabilité de 50 % de pouvoir respecter la limite de 1,5°C. Si l'on déduit les émissions de CO2 historiques, il en résulte un budget négatif de 188 millions de tonnes de CO2. Concrètement, cela signifie que la Suisse surexploite le budget CO2 encore disponible depuis 2017.
Le tableau 3 l'illustre que la stratégie climatique de la Suisse n'est pas compatible avec la limite de 1,5 °C. Si la répartition des efforts est égale pour tous les pays, c’est seulement à condition que la puissance économique soit ignorée et que l’on choisisse une probabilité ne dépassant pas les 50% que la Suisse peut encore disposer d’un reste de budget.
Avec la politique climatique actuelle, les 270-286 millions de tonnes de CO2 restantes seront épuisées au plus tard en 2032. – La politique climatique proposée dans la partie II permet, si elle est mise en œuvre immédiatement, de respecter ce budget résiduel et de réduire les émissions à zéro net d'ici 2035 .
7 Si l’ensemble des nouvelles mesures de politique climatique déploie ses effets à partir de 2028, le budget restant s'élève encore à environ 140 millions de tonnes de CO2. Si, par la suite, les réductions étaient linéaires, le budget restant serait épuisé en 2038. Tous les instruments n'ont pas un effet immédiat, c'est pourquoi l'objectif net zéro doit être atteint en 2035 pour que le budget soit respecté.
Si l'on tient compte, pour la répartition des efforts, de la capacité d’un pays à réduire ses émissions en raison de sa puissance économique, la Suisse a de toute façon épuisé son budget CO2 depuis des années. Le résultat est un budget négatif. La puissance économique est un facteur décisif pour la répartition des efforts au niveau mondial ; non seulement parce que les pays à forte puissance économique se sont enrichis grâce à l'utilisation à grande échelle des énergies fossiles, mais aussi parce qu'ils ont plus de possibilités que les pays pauvres d'opérer la transition pour en finir avec les émissions de CO2.
En cas de répartition des efforts sur la base de la puissance économique, la “riche Suisse” vit donc à crédit. En ce qui concerne le CO2, elle a, depuis des années, contracté des dettes auprès d'autres pays, si bien qu’elle a aujourd'hui un budget CO2 négatif. Mais elle peut rembourser cette dette en finançant des mesures de protection du climat à l’étranger. Ce financement est un sujet clé dans les négociations internationales sur le climat. Les pays industrialisés assument ainsi leur responsabilité pour qu’une réduction importante des émissions de CO2 dans le monde entier devienne réalité avant 2030.
Un tel financement de réduction des émissions à l'étranger, dans le but d'empêcher, si possible, une perturbation dangereuse du système climatique, est dans l'intérêt de tous. Car ce n'est que si tous les pays apportent leur juste contribution à la stabilisation du système climatique que le réchauffement de la planète pourra être maintenu en dessous de 1,5°C.
La transformation indispensable à l'échelle mondiale pour faire face à la crise climatique pose de grands défis financiers à de nombreux pays du Sud. Or, l’obligation pour les pays industrialisés de soutenir financièrement les pays en développement est inscrite dans l'Accord de Paris. La contribution suisse se situe entre 450 et 600 millions de dollars par an. Des groupes de la société civile ont critiqué le Conseil fédéral pour avoir, jusqu'à présent, minimisé dans son calcul cette soi-disant « juste part », en sous-estimant la responsabilité de la Suisse dans la crise climatique. Cette part devrait être d'au moins un milliard de dollars par an, puisque le calcul doit tenir compte aussi bien de la puissance économique du pays que des émissions de gaz à effet de serre causées à l'étranger par la forte consommation suisse. En plus de cela, cette contribution devrait s'ajouter à la coopération internationale.
Mais la Suisse n'est pas seule à ne pas contribuer suffisamment au financement international de la lutte pour la protection du climat. Pour tenir compte des besoins des pays en développement, le financement climatique doit être fortement renforcé par rapport à aujourd'hui. De nouveaux fonds complémentaires sont nécessaires. Le Climate Action Network (CAN), un réseau de la société civile regroupant plus de 1900 organisations à travers le monde, exige qu’un nouvel objectif d'au moins 1000 milliards de dollars par an, sous forme de financement public, soit fixé. Cette demande s'appuie sur l’analyse d’études scientifiques et de travaux d'institutions internationales :
Pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, un besoin de soutien de 300 milliards de dollars par an est calculé sur la base de chiffres provenant de la Net Zero Road Map de l'Agence internationale de l'énergie.
8 AIE, Net Zero Roadmap, Update 2023 : : A Global Pathway to Keep the 1.5 °C Goal in Reach, https://www.iea.org/reports/net-zero-roadmap-a-global-pathway-to-keep-the-15-0c-goal-in-reach (dernière consultation : 10/09/2024)
Le CAN demande également 300 milliards de dollars par an pour l'adaptation au réchauffement climatique, en se basant sur le déficit de financement identifié dans le Rapport 2023 du PNUE sur l'adaptation.
Enfin, on estime à 400 milliards de dollars les besoins de financement pour couvrir les dommages et les pertes .
9 Markandya, A., González-Eguino, M. (2019). Integrated Assessment for Identifying Climate Finance Needs for Loss and Damage: A Critical Review. In: Mechler, R., Bouwer, L., Schinko, T., Surminski, S., Linnerooth-Bayer, J. (eds) Loss and Damage from Climate Change. Climate Risk Management, Policy and Governance. Springer, Cham. https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-72026-5_14 (dernière consultation : 10/09/2024)
Le déficit de financement croissant a été démontré à maintes reprises dans des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La Suisse devrait s’engager à hauteur de 1%, soit 10 milliards de dollars ou 9 milliards de francs par an (voir également le chapitre Conséquences financières et financement).
La Suisse ne joue pas seulement un rôle important dans la lutte contre la crise climatique parce qu'elle dispose des moyens financiers et du savoir-faire nécessaires pour réduire rapidement les émissions à l’intérieur du pays et soutenir la protection du climat ailleurs. Elle peut aussi actionner d'autres leviers climatiques efficaces au niveau mondial.
La figure 1 donne un aperçu des différents secteurs concernés et des leviers climatiques de la Suisse ainsi que des quantités d'émissions dont elle est responsable. Bâtiments, industrie/déchets, transports terrestres, aviation, agriculture, entreprises suisses à l'étranger, place financière suisse, émissions grises de gaz à effet de serre – la Suisse peut intervenir dans tous ces domaines. La partie II du présent Masterplan climat propose pour chaque secteur et chaque levier des mesures politiques correspondantes.
Le cercle intérieur de la figure illustre les émissions directes de la Suisse, respectivement les émissions des carburants consommés en Suisse. Contrairement à la pratique de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), notre graphique inclut l'aviation internationale au départ de la Suisse, parce que nous sommes en mesure de l'influencer directement. À l’avenir, la statistique de l'OFEV devrait également présenter l'aviation internationale comme engendrant des émissions directes, puisque la loi sur la protection du climat fixe l’objectif net zéro d'ici 2050, en incluant l'aviation internationale.
Le cercle extérieur montre les leviers dont dispose la Suisse pour réduire les émissions indirectes. Les émissions grises à l'étranger générées par notre consommation dépassent déjà les émissions nationales. Cependant, les émissions causées par des entreprises ayant leur siège en Suisse mais produisant à l’étranger pour desservir les marchés locaux sont encore plus élevées. Si les entreprises poursuivent les objectifs de la Science Based Targets Initiative (SBTi), ces émissions peuvent être réduites à zéro. Plus fortes encore sont les émissions en relation avec la place financière suisse. Les quantités d'émissions dans le cercle extérieur sont très élevées, mais les possibilités d'actionner ces leviers par la Suisse sont plus faibles.
Ce que la figure ne montre pas, ce sont les possibilités, mentionnées ci-dessus, de réduire les émissions à l'étranger par le biais du financement climatique. Plus la contribution suisse au financement climatique international est élevée, plus le potentiel de réduction est important. Le deuxième Masterplan climat de l'Alliance Climatique de 2016 faisait référence à l’outil que constituent les règles et incitations internationales en matière d'investissement, outil qui cependant est difficile à quantifier. La Suisse siège dans de très nombreuses instances internationales telles que l'OMC, l'AIE, l'OACI, l'OMI ou l'OCDE, sans compter qu'elle dispose souvent d'un siège au conseil d'administration des banques de développement multinationales, entre autres. Cela lui garantit une marge de manœuvre considérable lorsqu’il s’agit de définir des règles pour une politique climatique cohérente.
10 https://alliance-climatique.ch/article/le-premier-plan-suisse-pour-la-mise-en-oeuvre-de-laccord-de-paris-sur-le-climat/
Figure 1 : Leviers climatiques suisses en millions de t CO2eq par an (dernières données disponibles de l'OFEV pour les différents secteurs en 2022 avec facteur 3 pour l'aviation en 2023, OFS pour les émissions grises importées en 2021, estimations McKinsey pour la place financière et les entreprises suisses à l'étranger)
Conclusion : en raison de sa puissance économique, de sa place financière très importante, de sa consommation élevée et de son économie ouverte, la quantité d'émissions indirectes produites par la Suisse est énorme, ce qui fait de notre petit pays l’un des dix premiers pays en matière de responsabilité climatique ; et si l'on fait le calcul par habitant, nous sommes même tête de liste . – Cela ne doit toutefois pas diminuer l'importance des émissions directes. L'OMC et le GATT ne sont pas seuls à exiger que les règles appliquées soient les mêmes sur le plan national que pour les importations. La justice climatique exige que la Suisse respecte son budget CO2 et apporte sa juste contribution à la lutte contre la crise climatique. Seule une répartition équitable du budget CO2 global permettra de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.
11 Seuls la Chine, les États-Unis, l'Inde et la Russie émettent plus de 2GtCO2/a.
L'Alliance Climatique n’accepte pas que des objectifs climatiques soient atteints par le biais d’une comptabilité « créative ». La compensation à l'étranger doit prendre fin au plus tard en 2030. Mais le risque est grand que la Suisse repousse à plus tard des mesures efficaces, alors que notre responsabilité climatique exige une accélération de la transformation au niveau national et une participation accrue à la transformation mondiale via le financement climatique international. La voie actuelle, qui consiste à compenser les émissions de CO2 par des projets à l'étranger, fait un amalgame des objectifs climatiques de la Suisse et du financement climatique à l'étranger de façon à amenuiser les ambitions en matière de politique climatique dans les pays concernés.
La Partie I du présent Masterplan a montré quels sont les calculs qui mènent à des budgets CO2 équitables ; il en ressort que les approches qui sont “avantageuses” pour la Suisse impliquent que l’objectif zéro émission nette soit atteint d'ici 2035. Mais si, en plus, on tient compte du fait qu’en raison de sa consommation, la Suisse génère des émissions élevées à l'étranger, mais qu’elle dispose également d'une grande capacité économique et technique pour renforcer la protection du climat, les émissions de CO2 devraient en fait être nulles, voire négatives dès aujourd’hui. C'est pourquoi les mesures politiques proposées ci-après visent une décarbonisation rapide, car le défi s’accroît à mesure que l’adoption de mesures efficaces est retardée. Avec ce plan, l'Alliance Climatique entend montrer comment la Suisse peut réussir sa propre transformation en l'espace de dix ans et comment elle peut user des leviers climatiques supplémentaires les plus efficaces pour la transformation à l’échelle mondiale.
Il existe des facteurs limitants : la consommation généralement élevée ; le nombre limité de professionnels/spécialistes ; les matériaux et les appareils/véhicules qui ne sont pas toujours disponibles quand il le faut ; le nombre excessif de chauffages et de véhicules qui fonctionnent actuellement avec des énergies fossiles et qui doivent en partie être remplacés prématurément ; les moyens d’investissement difficiles à mobiliser, et finalement, il manque la denrée la plus rare, à savoir la volonté de s’attaquer à la transformation, que ce soit au niveau individuel ou social.
L'Alliance Climatique Suisse considère qu'il est de son devoir d’identifier et d’exiger des instruments politiques efficaces. Dans ce qui suit, nous détaillons pour chaque secteur/thème les obstacles les plus importants à nos yeux.
Le mix d'instruments proposé par l'Alliance Climatique Suisse doit être compris comme une contribution aux discussions actuelles. Il se peut que d'autres instruments soient également appropriés pour surmonter les obstacles et qu'ils soient plus susceptibles de recueillir une majorité.
Le Climate Action Plan de la Grève du climat ou encore le papier de position des Jeunes Verts Suisse contiennent des revendications en ce qui concerne la mutation sociale et la transformation du système économique. Nous aussi, nous défendons le principe selon lequel les incitations à la consommation et à la croissance doivent fortement diminuer, que les nouveaux investissements doivent dès maintenant respecter le climat et être socialement responsables, bref, que le système actuel doit être modifié au plus vite. Tout cela entraînera une transformation fondamentale du système économique actuel. Cependant, nos propositions se veulent sans œillères idéologiques, car nous ne connaissons pas non plus le système parfait. Le débat sociopolitique indispensable prendra du temps, nous voulons cependant agir maintenant et, si possible, entraîner tout le monde dans la voie de la transformation.
12 https://climatestrike.ch/crisis
13 https://jungegruene.ch/fileadmin/canton-filemounts/CH/Unterlagen_Veranstaltungen/20240824_MV_Luzern/Klima-Positionspapier_2024_DE.pdf
Comme nous l'avons vu plus haut, le budget CO2 restant à l'échelle mondiale est désormais très faible, et, concernant la Suisse, le défi semble immense. L'industrie de l'énergie fossile, tout comme le GIEC partent du scénario selon lequel les budgets de CO2 vont inévitablement être dépassés, et qu'il deviendra donc nécessaire d'éliminer le CO2 de l'air (ou, à l'avenir, peut-être aussi de la mer) et de le stocker de manière sûre et permanente, afin de stabiliser le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°C. Depuis l'Accord de Paris sur le climat qui a fixé l'objectif zéro émissions nettes, ces technologies de stockage du CO2 sont considérées comme un "must", étant donné que c'est la seule façon de venir à bout des émissions restantes dont l’élimination est difficile et coûteuse.
Une nouvelle étude montre que la fourchette des possibilités d'élimination du CO2 doit être fortement revue à la baisse si l'on tient compte de tous les facteurs et plans connus. Une capacité d'élimination du CO2 de 5 à 6 Gt par an, jusqu'en 2050, est désormais considérée comme limite supérieure. Cela représente un peu plus de 10% des émissions actuelles. Rien que les émissions dues à l'agriculture et les émissions ‘non CO2’ de l'aviation dépassent aujourd'hui cette capacité d'élimination. De plus, il existe une incertitude quant au maintien de l'effet de puits (la capacité d’absorption) des sols, des forêts et des océans au niveau élevé actuel.
14 https://www.nature.com/articles/s41467-024-51226-8?
Du point de vue de l'Alliance Climatique, les solutions purement technologiques, comme l'élimination mais aussi le captage et le stockage du CO2 provenant de sources telles que les usines d’incinération des déchets et les cimenteries, font partie du portefeuille de solutions désormais indispensables, puisque nous avons malheureusement négligé la protection du climat depuis 1990 et n'avons pas réduit les émissions comme nous aurions dû le faire ; les émissions de CO2 ont augmenté de 70%. Cependant, comme il est évident que les mesures de réduction de CO2 véritablement efficaces sont celles qui agissent à la source, ce sont bien elles qui restent la priorité absolue de l'Alliance Climatique. Celles-ci sont beaucoup plus faciles à mettre en œuvre dans le monde entier, y compris en Suisse, si ceux qui ont une empreinte carbone excessivement élevée adaptent en même temps leur consommation à des dimensions réalistes (sobriété). En effet, le niveau de consommation élevé de la Suisse, par exemple, ne fait pas seulement exploser les limites planétaires en matière de CO2 ; les “solutions technologiques” qui visent à diminuer notre impact climatique, comme les voitures électriques, contribuent à faire sauter d'autres limites planétaires en raison de la consommation de matières premières.
Des normes sociales inédites, des règles et incitations nouvelles doivent aider à atteindre un niveau de consommation raisonnable en Suisse comme dans les pays industrialisés, mais aussi au sein des classes supérieures riches des pays émergents et en développement. Il s’agit donc d’en arriver à reconnaître et à accepter la sobriété économique comme la nouvelle normalité « réaliste », de sorte qu'elle ne soit plus considérée comme un renoncement. Sont concernés, le logement, la mobilité motorisée (le transport terrestre et, à plus forte raison, le transport aérien), les denrées alimentaires, les biens de consommations tels que les vêtements, les appareils électroniques, les meubles, etc. La cascade des Re- "Refuse, Rethink, Reduce, Reuse, Repair, Refurbish, Remanufacture, Repurpose, Recycle et finalement Recover" peut servir de ligne directrice dans cette voie.
L'analyse des domaines d'action et les propositions de mesures politiques comprennent tous les champs de solution : la réduction drastique de la demande déraisonnable, mais aussi la substitution par des technologies climato-compatibles, ainsi que l’élimination du CO2 et le captage et stockage du dioxyde de carbone (CSC).
Le système actuel est caractérisé par des décisions individuelles et collectives, qui sont souvent inconsciemment des décisions pour ou contre la transformation qui doit nous mener vers le zéro émission nette et le 100% d’énergies renouvelables, dans le respect des limites planétaires. Étant donné que les décisions reposent la plupart du temps sur l’habitude – et rarement sur un examen approfondi du pour et du contre –, il nous faut de conditions cadres qui permettent de prendre des décisions beaucoup plus souvent et le plus facilement possible dans le sens d'une transformation vers un monde sans dépendance aux combustibles fossiles. Les bonnes décisions du point de vue de la transformation doivent devenir la norme sociale. Ce sera possible lorsque les prix ne donneront plus de mauvais signaux, qu’il y aura des modèles à suivre, bref, qu’il sera plus facile de prendre la bonne décision plutôt que la mauvaise et qu’il ne faudra plus justifier et défendre la solution respectueuse du climat et que les coûts qu’engendrent les décisions néfastes pour le climat devront être couverts par ceux qui en sont responsables.
Cet objectif est, en principe, aussi celui des secteurs dont il est question dans ce qui suit. Nous nous concentrons dans le présent chapitre sur des instruments qui font avancer la transition dans différents secteurs parallèlement.
Puisque les coûts des dommages climatiques ne sont pas ou que partiellement pris en compte dans la détermination des prix, le marché est biaisé. Chaque tonne de gaz à effet de serre émise aggrave la crise climatique et engendre des coûts subséquents : il faut financer des mesures pour s’adapter au changement climatique ; les effets de la crise climatique (vagues de chaleur, inondations, etc.) génèrent des pertes et des dommages, en Suisse et à l’étranger, qui doivent être compensés ; et les gaz à effet de serre émis devront être retirés de l’atmosphère. Actuellement ces coûts ne sont pas ou que peu pris en compte dans la détermination des prix. Conséquence : Les produits et les services nuisibles au climat sont aujourd’hui de facto subventionnés de façon directe ou indirecte.
Quand un pays introduit des taxes CO2 élevées sans mesures d’accompagnement, cela rend la production nationale plus coûteuse et a pour conséquence, par exemple, que l’on importe des biens à forte émission CO2 ou que l’on fasse le plein de sa voiture à l’étranger, ce qui affaiblit l’effet positif des mesures et nuit à l’économie nationale.
L’argent de nos impôts attise la crise climatique parce que les pouvoirs publics ne donnent pas l'exemple mais, au contraire, alimentent en partie la crise via des subventions.
Aussi longtemps que la publicité se focalisera sur l’énergie fossile, sur les produits animaux, sur le ‘plus c’est mieux’, la transition vers de nouvelles normes sociales sera ralentie.
Il n’est pas acceptable que les personnes qui remplissent leur rôle de modèle soient confinées dans une caste idéologique. Les valeurs libérales et conservatrices, ouvertes au monde et patriotiques, sociales et vertes doivent toutes être compatibles avec la protection de nos bases vitales. Une norme sociale nouvelle est indispensable pour que de nouveaux produits respectueux du climat puissent être introduits sur le marché de masse et pour que l'artisanat local soit encouragé à se maintenir et à se perfectionner.
Les mesures d'efficacité, les énergies renouvelables et les méthodes plus respectueuses du climat nécessitent souvent des investissements initiaux élevés, qu’il n’est généralement possible d’amortir que sur de nombreuses années par le biais de coûts d'exploitation réduits. Le manque de capital d'investissement, les primes de risque élevées sur les taux d'intérêt et un horizon d'investissement trop court rendent impossibles les investissements nécessaires.
La compatibilité sociale et la viabilité financière des instruments politiques augmentent l'acceptation sociale. Si cette dernière fait défaut ou qu’elle est communiquée de façon insuffisante, la transformation échoue dans les urnes comme dans la réalité. Il est donc important de garantir un niveau de vie suffisamment élevé et d’encourager la formation professionnelle (continue) pour qu’une politique climatique ambitieuse puisse être menée.
Une taxe intersectorielle sur tous les gaz à effet de serre d’un montant égal aux coûts des dommages climatiques empêche le système d'économie de marché d’aggraver directement la crise climatique.
15 voir https://www.umweltbundesamt.de/sites/default/files/medien/1410/publikationen/2020-12-21_methodenkonvention_3_1_kostensaetze.pdf et comme mise à jour https://www.ioew.de/projekt/methodenkonvention_40_grundlagen_fuer_die_aktualisierung_und_erweiterung_der_methodenkonvention_zur_ermittlung_von_umweltkosten_teil_1
Une péréquation fiscale à la frontière sur tous les produits et services importés, y compris le tourisme à la pompe, à hauteur de la taxe sur les gaz à effet de serre, ainsi qu'une exonération à l'exportation selon la logique de la TVA, constituent des incitations fortes pour les importateurs et protègent la place économique suisse contre les délocalisations dues à la politique climatique. L'instrument est conçu de manière à éviter les effets négatifs sur le développement durable des pays du Sud.
Le rôle de modèle du secteur public conféré à la Confédération et aux cantons (art. 10 de la loi sur la protection du climat LCC) est étendu à toutes les communes. Comme instrument de mise en œuvre commun, une boutique en ligne pour les produits et services net zéro est instaurée, qui lance aussi des appels d'offres et est à la disposition des particuliers.
16 https://climatestrike.ch/posts/cap-1-cross-sectoral-policies#policy-measures_policy-1-4-matterhorn-the-net-zero-purchasing-platform-for-public-purchasing
La Confédération et les cantons suppriment systématiquement les subventions nuisibles au climat ainsi que les incitations fallacieuses telles que les allègements fiscaux.
La publicité dans l’espace public n’est autorisée que pour les produits et les services particulièrement respectueux du climat, à savoir les "best in service", appelés ainsi parce que leurs émissions nocives sont nettement inférieures à celles de la moyenne des produits et services offrant la même valeur d’usage.
17 Alors que "best in class" signifie, p. ex., qu'il s'agit de véhicules ou de types de papier toilette particulièrement respectueux de l'environnement, alors que "best in service" se réfère aux solutions de mobilité ou d'hygiène les plus écologiques. Les besoins de base sont au centre et la sobriété gagne de la popularité.
La transition a besoin de modèles de comportement durable. Les membres des organes exécutifs – conseil fédéral, conseils d'État, conseils communaux – sont des leaders, et la communication sur le climat fait partie de leur mission.
Une offensive de formation accompagne la transformation. Des programmes de formation (continue) sont proposés aux salariés et aux demandeurs d’emploi afin qu’ils puissent faire partie de la transformation sur le plan professionnel. En outre, les écoles et universités incluent dans leur programme d’enseignement des thèmes tels que les mesures nécessaires à la décarbonisation rapide, la crise climatique et les chances de la transformation.
Les personnes particulièrement concernées ou celles menacées par la pauvreté doivent bénéficier d'un soutien financier ou organisationnel direct afin d’assurer la justice, la faisabilité et l'acceptation de la politique climatique suisse et de rendre la transition socialement acceptable. Pour ce faire, un fonds social climatique (analogue à celui de l'UE) sera introduit, alimenté par une partie de la taxe intersectorielle sur tous les gaz à effet de serre (voir point 1 et le chapitre Conséquences financières et financement).
18 Exemple : Les personnes vivant seules dans des appartements ou des maisons trop grands mais bon marché doivent être soutenues afin de trouver des logements plus petits avec des loyers protégés. Une plateforme nationale de recherche d'emploi et de logement pourrait réduire les frais de déplacement et rendrait les personnes moins vulnérables face aux augmentations des prix.
19 Au lieu de restituer intégralement une taxe sur le CO2 à la population, il vaut mieux soutenir directement les personnes réellement concernées (CarteCulture, soutien à la reconversion professionnelle, etc.)
Révision du droit des cartels : le droit des cartels est complété de sorte que la protection de l'environnement et la durabilité soient reconnues et mentionnées comme des motifs de justification à part entière. Ainsi, les accords de durabilité raisonnables ne seront plus ni considérés comme anticoncurrentiels ni interdits.
Au lieu d’héberger des crypto-monnaies virtuelles, la Banque nationale suisse (BNS), éventuellement en commun avec d'autres banques nationales, doit réassurer une nouvelle monnaie de protection climatique ou encore obliger les banques privées à investir une partie de l'argent emprunté dans la protection climatique. Il est ainsi possible de générer des fonds de financement climatique. Une autre possibilité est de soutenir les monnaies de protection du climat privées , la Banque nationale les stabilisant en tant que monnaie parallèle. Si ces monnaies sont acceptées par le marché, d’importantes sommes d’argent peuvent être investies dans la protection du climat sans grever le budget de l'État.
20 https://globalcarbonreward.org/, cf.les concepts décrits par Kim Stanley Robinson dans son roman "Le Ministère du futur" sous le nom de Carbon Coin.
21 https://www.carbonismoney.org/ est déjà actif en Suisse et pourrait être, avec des améliorations, intéressante.
Avec 75 millions de tonnes de CO2eq, la production de biens et de services importés en Suisse génère nettement plus d'émissions que la production restant en Suisse. En effet, nous importons beaucoup de biens dont la production est intense en CO2 ; de plus, notre niveau de consommation est très élevé. Dans un monde à émissions nettes zéro, les biens importés seront eux aussi produits dans le respect du climat. Mais actuellement, les conditions-cadres du système mondialisé incite à délocaliser la production vers les pays les moins chers, qui connaissent les réglementations (climatiques) les plus faibles, ce qui ralentit et freine la décarbonisation.
Notre objectif est que nos règles de consommation et d'importation contribuent à accélérer la décarbonisation mondiale, si bien que l‘adoption de politiques "net zéro" devienne intéressante pour tous les pays. Vu que le niveau de consommation de la Suisse, extrapolé à une population mondiale future de 10 milliards de personnes, ferait exploser de nombreuses autres limites planétaires, il faut également baisser fortement la quantité des biens consommés. À l’avenir, nos habitudes de consommation et les exigences que doivent remplir les produits d’importation correspondront à un système équitable respectant les limites planétaires et pouvant être copié partout à travers le monde. Le commerce mondial peut augmenter l'efficacité de la production, mais cela doit se faire sans dumping social ou écologique. D’ailleurs, les exigences élevées en matière d'économie circulaire vont souvent de pair avec l’encouragement de l’économie régionale ou locale.
Densément peuplée, pauvre en ressources et chère, la Suisse est un pays à forte consommation et donc beaucoup plus dépendante des importations que la plupart des autres pays.
L’économie d’exportation suisse est devenue très rentable grâce au libre-échange, qui du coup est considéré comme un credo idéologique. Cependant, les exigences en matière de protection climatique font défaut.
Les règles de l'OMC et du GATT doivent être appliquées dans des jugements faisant jurisprudence ou à travers des interprétations plus claires afin que le dumping écologique ne soit plus possible.
Le Conseil fédéral s'oppose au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières(MACF), que l'UE a déjà introduit, et ignore jusqu'à présent le changement de système qui consiste à passer du système d’échange de quotas d’émission (SEQE et taxe sur le CO2) à des instruments de tarification globaux.
La réglementation climat de la production suisse est pas hétérogène et lacunaires, si bien que des mesures aux frontières s’avéreraient souvent protectionnistes.
Les importations sont bon marchés aussi en raison du dumping écologique et social, qui empêche souvent les réglementations telles que l'internalisation des coûts externes, ce qui renchérit la production nationale.
Les exigences environnementales sont souvent perçues, en particulier par les pays non industrialisés, comme du protectionnisme de la part des pays demandeurs et comme un déni du droit au développement, voire comme un retour à une attitude colonialiste.
Il est rarement possible de définir et de déclarer avec précision les émissions générées à l’étranger, d’autant que de telles exigences sont loin d’avoir cours partout, ce qui explique que la transparence est encore insuffisante.
Bien que la réglementation de la chaîne d'approvisionnement s’accélère en Suisse aussi, il n'y a pas d’incitations sérieuses à réduire les émissions de la chaîne d'approvisionnement.
Les accords de libre-échange doivent désormais inclure des incitations et des conditions écologiques et sociales exhaustives, sous peine d’être dénoncés. En raison de la péréquation fiscale à la frontière (voir ci-dessus) et de l'obligation d'émissions négatives (voir Instruments intersectoriels), les accords commerciaux doivent de toute façon être renégociés.
Une taxe sur les émissions grises à hauteur du coût des dommages climatiques est introduite sur les biens importés (voir Instruments intersectoriels et Financement).
Une taxe d'élimination anticipée sur toutes les matières synthétiques, équivalente au coût total de l'élimination par captage et stockage du dioxyde de carbone (CSC), est prélevée sur la production nationale et à la frontière. Les recettes sont affectées au recyclage des matières synthétiques et au CSC dans toutes les usines d'incinération des déchets. La taxe anticipée contribue à réduire la consommation.
La déclaration des émissions, la réglementation de la chaîne d'approvisionnement ainsi que les systèmes volontaires tels que la Science Based Target Initiative (SBTi) doivent aller de pair et inciter les entreprises et les pays producteurs à promouvoir activement la décarbonisation.
Sur la base des nouvelles réglementations relatives à l'économie circulaire de la loi sur la protection de l'environnement (LPE), il convient de définir des trajectoires de réduction des émissions de CO2 pour les bâtiments, les installations industrielles, etc., de sorte que cela devienne un avantage d'utiliser moins de matériaux (neufs), de produire des matériaux de construction plus respectueux du climat et de boucler les cycles là où le bilan écologique global est positif.
Conformément à la loi sur la protection de l'environnement, le droit à la réparation, l'obligation de fournir du matériel de réparation, l'indice de réparabilité, la possibilité de démontage et la prolongation des délais de garantie doivent être rendus obligatoires.
Les communes sont soutenues dans la création de structures de prêt et de réparation.
La Confédération finance une plateforme Internet, déjà existante ou nouvelle, qui recense la longévité réelle et la réparabilité des produits sur la base de l'expérience collective.
La taxe sur la valeur à neuf augmente progressivement : pas de taxe si le produit peut être réparé ou réutilisé ; taxe majorée si les biens sont fabriqués à partir de matériaux recyclés ; taxe maximale si les biens sont réalisés à partir de nouvelles matières premières. Les recettes sont destinées à la promotion des réparations.
La production de l'industrie suisse est exempte de CO2. L’importation se limite à des biens à faible teneur en CO2 (émissions grises). La plupart des étapes de production sont électrifiées. Quelques rares procédés qui demandent des flammes ouvertes ou une source d'énergie comprenant une part de carbone (p. ex. certains traitements de surface) fonctionnent à l'hydrogène synthétique ou au gaz naturel synthétique. La demande ne dépasse toutefois pas 1,5 TWh/a (1/10 des besoins actuels). Les entreprises qui ont un grand besoin d'hydrogène sont implantées dans des hotspots qui sont reliés au réseau européen d'hydrogène.
D'importants matériaux fabriqués à base de matières premières locales (cf. l'industrie du ciment) sont produits en Suisse ; les fabricants de ciment ainsi que les exploitants des usines d'incinération des déchets stockent le CO2 dans des installations de stockage souterrains en Suisse et à l'étranger.
Les gaz à effet de serre techniques (tels que le SF6) ne pèsent pratiquement plus dans le bilan des gaz à effet de serre du pays, et les émissions résiduelles sont compensées par l'élimination de CO2.
Les alternatives non fossiles (p. ex. l'hydrogène) sont souvent plus chères que les combustibles fossiles.
Les produits de base et les matières premières à faible empreinte carbone reviennent souvent plus cher que les produits actuels mauvais pour le climat.
Il n’est souvent pas clair quelles émissions grises sont cachées dans les composants d’un produit.
Le calcul des coûts exige qu'une marge soit également ajoutée aux coûts d'émissions supplémentaires. Du coup, le produit devient de plus en plus cher à chaque étape du processus. Au final, l'industrie suisse est désavantagée sur le marché.
Les produits existants sont rarement modifiés pour mieux respecter le climat. En effet, la loi d'airain en matière de production est : "Never touch a running system". Les raisons en sont multiples : la façon de produire actuelle permet de satisfaire la clientèle. La changer est synonyme d'incertitude et entraîne souvent des coûts supplémentaires. Si un produit est modifié, ses propriétés peuvent changer, ce qui peut mener à des réclamations. De plus, le temps qu’il faut pour développer de nouveaux procédés est une ressource rare. En effet, toute modification prend du temps, puisqu’il faut effectuer de nombreux contrôles du produit.
Le savoir-faire énergétique n'est souvent pas la compétence clé des responsables de production, si bien que les mesures de protection du climat sont reléguées au second plan.
Si l'on souhaite remplacer des installations qui fonctionnent encore bien par des alternatives plus respectueuses du climat, il faut les amortir sur une courte durée. C’est pourquoi, les installations existantes ne sont pas remplacées.
Les investissements dans la protection du climat rivalisent avec d'autres investissements possibles. Lorsque les moyens sont limités et que d'autres investissements promettent un meilleur rendement, les mesures en faveur du climat ne seront pas mises en œuvre.
La vie économique est fondée sur le court terme. Les investissements qui doivent être amortis sur une durée de plus de cinq ans ne sont pas réalisés, même si la rentabilité est garantie, parce qu’on ignore si la production sera assurée durant plus de cinq ans.
La volonté d'électrifier les processus de production exige que l’on ait confiance dans la sécurité de l'approvisionnement en électricité durable, fiable et bon marché.
Les usines d'incinération des déchets et les producteurs de ciment produisent du CO2 ; ils n'ont cependant aucune obligation d'éliminer le CO2. Ils ne peuvent pas répercuter les coûts supplémentaires sur leur clientèle.
Même si les usines d’incinération et les cimenteries mettent à disposition le CO2 sous forme pure, les infrastructures pour stocker ce CO2 à des coûts supportables manquent.
Quiconque veut/doit miser sur les carburants synthétiques (synfuels) se voit confronté à des prix élevés qui ne peuvent pas forcément être répercutés sur le produit. De plus, les synfuels ne seront disponibles que dans une mesure limitée au cours des dix prochaines années.
La taxe sur les gaz à effet de serre et la péréquation fiscale à la frontière (cf. Instruments intersectoriels) sont particulièrement importantes, car les entreprises tiennent davantage compte des signaux donnés par les prix que les ménages, par exemple. De même, les instruments concernant les biens de consommation accélèrent la transformation dans l'industrie.
Les exploitants des cimenteries et des usines d'incinération sont tenus, en vertu d'accords sectoriels, de capter leurs émissions de CO2 par CSC et de les stocker en toute sécurité.
Un ou tout au plus deux hotspots d'hydrogène sont implantés à proximité de connexions internationales.
Il est interdit d’ajouter une marge sur les coûts de CO2 dans les calculs.
D’importantes primes versées pour la démolition d’installations de production fossiles accélèrent la transformation.
Les offres de contracting sont encouragées par des mesures appropriées telles que la couverture des risques, etc. (voir la banque d'investissement verte), dans le but de réduire les obstacles à l'investissement.
L'élimination du CO2 n'est autorisée que si les possibilités de réduction et de CSC ont été épuisées.
La Confédération met en place une infrastructure pour la collecte et le transport du CO2 provenant de sources ponctuelles, dans le but de le stocker dans des réservoirs nationaux ou étrangers.
Les émissions à effet de serre autres que le CO2 (SF6, HFC, PFC, etc.) sont interdites lorsque des substituts sont disponibles, ou régulées de sorte que l'effet de serre soit négligeable.
En Suisse, près d'un million de bâtiments sont encore chauffés aux combustibles fossiles. La Suisse fait-elle partie du groupe peu glorieux des pays à la plus forte densité de chauffages au mazout. La substitution progressive des chauffages au mazout et au gaz doit être accélérée afin que d’ici 2035 un maximum de ces installations soient remplacées. En fonction de la densité de la population et des sources de chaleur (perdue) disponibles, on pourra atteindre ce but en développant les réseaux de chauffage urbains et en construisant des chauffages à pompe à chaleur. L'énergie solaire thermique et, dans certains cas, le bois complètent le mix. Les chauffages au mazout et au gaz restants sont soit remplacés, soit alimentés par des combustibles climato-compatibles (et chers).
Les bâtiments existants sont modernisés au niveau énergétique, en privilégiant les bâtiments jusqu'ici mal isolés. Les constructions nouvelles et les rénovations d’anciens bâtiments génèrent aujourd'hui de 60 à plus de 100 % des émissions de chauffage, dues à la production de matériaux de construction et à la construction elle-même. Les matériaux et les processus de construction doivent donc devenir plus respectueux du climat. En attendant, les changements d'affectation et les rénovations seront prioritaires et les nouvelles constructions reportées dans la mesure du possible.
Les besoins en espace augmentent en raison de l'augmentation du pouvoir d'achat, du nombre croissant de ménages d'une seule personne et de la croissance démographique.
Les besoins d'investissement des caisses de pension et d'autres investisseurs institutionnels conduisent à la construction d’un grand nombre de bâtiments neufs, générant d'énormes émissions de gaz à effet de serre.
Les modifications des plans de zones, l’augmentation massive du prix des terrains ainsi que des réglementations qui entravent la transformation et la modernisation des bâtiments existants favorisent la construction de bâtiments neufs, dont la réalisation génère d'énormes quantités d'émissions de gaz à effet de serre.
Un changement de système de chauffage demande en tout cas des investissements initiaux élevés, que l’on n’est pas toujours prêt à effectuer, ou qui ne sont simplement pas finançables.
Souvent, le changement du système de chauffage nécessite davantage d’étapes d'autorisation et prend donc plus de temps qu'un simple remplacement.
Les systèmes de chauffage existants peuvent atteindre une durée de vie très longue lorsqu’on les répare ou qu’on en remplace le brûleur.
Dans les immeubles locatifs, il arrive souvent que personne ne soit responsable de l'optimisation permanente du chauffage, de la technique du bâtiment et du réglage correct des températures des appartements, ou alors les connaissances nécessaires font défaut.
Si 100’000 systèmes de chauffage doivent être transformés chaque année, cela nécessitera de la main-d'œuvre supplémentaire.
Les entreprises d'installation proposent et installent volontiers des chauffages au mazout et au gaz parce que ce sont des domaines qu'elles connaissent bien, et les entreprises de chauffage profitent volontiers d'abonnements de service très chers/rémunérateurs et sûrs.
Dans les immeubles locatifs, les locataires profitent de frais de chauffage moins élevés après un changement de système de chauffage, mais le propriétaire paie les investissements et, s'il veut récupérer les coûts, il est obligé d’augmenter les loyers.
L'industrie du bâtiment bénéficie de peu d'incitations à la décarbonisation et de peu de protection contre l’importation de produits à forte intensité de CO2.
La législation en matière de construction est un patchwork fait de réglementations cantonales disparates et trop peu efficaces.
Les personnes souhaitant déménager ont droit à des logements plus petits pour lesquels ils paient un loyer inférieur au prix du marché libre ou/et à un soutien technique professionnel pour la conversion de maisons individuelles en habitations destinées à des colocations ou à des ménages multigénérationnels, où la sphère privée est pourtant respectée.
Les spécialistes de la construction sont formés dans le cadre d'un programme d'impulsion les habilitant à passer de la construction à la conversion et au remplacement des chauffages. La restructuration des processus de construction crée de nouvelles capacités.
22 https://ohkw.de/, à initier par les associations professionnelles et la SIA, et de les soutenir par des programmes de formation continue cantonaux et nationaux.
Comme dans les cantons de Bâle-Ville et de Zurich, l'installation de nouvelles chaudières à gaz ou à mazout doit en principe être exclue également au niveau fédéral.
Des programmes d'aide limités dans le temps ainsi qu’un accès facilité aux hypothèques garanti font que le changement des systèmes de chauffage et l'isolation de vieux bâtiments deviennent intéressants et réalisables.
Des valeurs limites de CO2, spécifiques et dégressives, qui règlent les émissions du cycle de vie des bâtiments neufs, favorisent le marché des matériaux et processus de construction climato-compatibles et encouragent l'économie circulaire (à l'instar du Danemark ou de la France, p. ex.).
Un délai d'assainissement progressif est imposé pour les anciens chauffages : >25 ans jusqu'en 2028, >20 ans jusqu'en 2030, >15 ans jusqu'en 2032, >10 ans jusqu'en 2034, tous jusqu'en 2035. Dans certains cas d’exception cas de rigueur, les chauffages devront fonctionner aux combustibles renouvelables à partir de 2035.
Il est nécessaire d'imposer une obligation de rénovation jusqu’en 2040 pour les bâtiments ayant le CECB F, et jusqu’en 2035 pour ceux ayant le CECB G. Les charges en cas de location de bâtiments mal isolés doivent être adaptées dès à présent : le propriétaire paie x francs de charges par an par m2, ou alors il se charge de la taxe CO2.
Les résiliations de bail collectives lors de rénovations énergétiques sont inutiles ; elles sont interdites en raison de la menace d'une hausse des loyers antérieurs au niveau des loyers du marché.
L'exploitation des installations techniques doit obligatoirement être optimisée et peut soit être effectuée selon un cycle fixe (analogue au contrôle actuel des émissions), soit être déclenchée sur la base de données de consommation d'énergie mesurées à distance.
Malgré une excellente infrastructure ferroviaire, la Suisse occupe une place particulièrement mauvaise quant à la protection du climat dans le domaine des transports. Le parc automobile émettant le plus de CO2 en Europe, les longs trajets pendulaires et l'augmentation du trafic de loisirs empêchent les émissions de CO2 dues au trafic routier de baisser (5% de baisse depuis 1990). Au cours des 30 dernières années, l'augmentation du nombre de kilomètres parcourus a presque entièrement annulé les gains d'efficacité des moteurs à combustion.
Dans le cadre de la transition énergétique, les besoins de mobilité diminuent fortement, puisque, dans de nombreux endroits, le travail, la formation, les loisirs et les achats se font à une distance de moins de 15 minutes. Les moyens de transport peu encombrants et économes en énergie (marche, vélo, transports publics et moto) ont l'avantage dans les agglomérations ; l'énergie renouvelable sera la norme partout à partir de 2030.
Dès aujourd’hui, les nouveaux véhicules n'émettent plus de CO2. Les véhicules à combustibles fossiles parcourent de moins en moins de kilomètres, puisque les frais de carburant augmentent fortement en raison de la taxe sur les gaz à effet de serre et que les frais de circulation routière seront progressivement facturés en fonction de la distance parcourue.
Les zones de circulation sont adaptées aux besoins climato-compatibles. Par exemple, les émissions en amont de l'e-mobilité sont également prises en compte, le transport des personnes et des marchandises doit être aussi efficace que possible. Les mesures prises dans les différents champs d'action ont également un impact sur la baisse de la demande de transport de marchandises.
Le trafic pendulaire et surtout le trafic de loisirs, avec départ ou arrivée dans les agglomérations, s'effectuent par des moyens de transport efficaces et peu gourmands en espace (transports publics, covoiturage ou vélos électriques). Pour les destinations en zone rurale, il existe des possibilités de correspondances commodes et rapides, avec ou sans changement de moyen de transport, de sorte que la plupart du temps, seul le dernier kilomètre doit être effectué en camion ou en voiture, dont seule une partie roule encore au combustible fossile.
L'utilisation de carburants renouvelables synthétiques coûteux et inefficaces pour les moteurs à combustion qui n’auront pas encore été remplacés d'ici 2035, l'élimination du CO2 et l'obligation de retirer de la circulation les véhicules fonctionnant à l'énergie fossile garantissent que le transport terrestre atteigne son objectif net zéro d'ici 2035.
Les prix des voitures comme ceux des carburants ont baissé en termes réels, alors que les coûts des transports publics ont augmenté plus fortement que le renchérissement.
Tant qu’il n’y aura ni tarification des dommages climatiques ni taxe d'incitation, les usagers des transports prendront des décisions individuelles, qui ne sont pas suffisamment efficaces (demande croissante concernant le trafic de loisirs, achat de véhicules surpuissants).
La nécessité d'une politique ambitieuse en matière de voitures neuves pour atteindre l'objectif net zéro est sous-estimée. En moyenne, une voiture neuve reste pendant 14 ans sur les routes suisses (y compris la vente d'occasion) avant de continuer à rouler sur les routes à l’étranger.
Les véhicules hybrides plug-in ont un impact climatique négatif plus important dans la réalité que sur le papier. Leurs propriétaires ne font pratiquement jamais le plein d’électricité, mais utilisent le plus souvent le moteur à combustion par habitude.
L'aménagement du territoire et la planification des transports sont mal coordonnés. La planification urbaine est fortement orientée vers les besoins du trafic automobile (partage de l'espace routier, obligation pour les bâtiments résidentiels de créer des places de stationnement, etc.).
L'achat de voitures électriques échoue le plus souvent parce que les places de stationnement chez soi ou au lieu de travail ne sont pas équipées de bornes de recharge.
Conduire une voiture électrique est considéré comme plus cher, alors qu’en réalité ça l’est moins.
Contrairement à l'UE, la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) et l'accord sur les transports terrestres entre la Suisse et l'UE sont toujours axés sur les polluants atmosphériques plutôt que sur les émissions de CO2.
Dans les structures existantes de financement du trafic routier, les transports publics et l'infrastructure cycliste sont mis sur un pied d'égalité avec le trafic individuel : Les projets de programmes d'agglomération prêts à être réalisés ne sont plus reportés (affectation de plus de 12% des recettes du FORTA), les infrastructures cyclables en dehors des agglomérations sont financées par le FSCR (financement spécial pour la circulation routière). L'exploitation de bus électriques à la demande dans les zones rurales peut être financée par le crédit pour les transports publics régionaux.
Une taxe sur le CO2, sans redistribution, est introduite pour les carburants à hauteur des coûts des dommages climatiques, avec un mécanisme de compensation à la frontière pour éviter que les automobilistes fassent le plein à l'étranger.
Une taxe d'incitation supplémentaire, avec redistribution, augmente l'effet incitatif. Le remboursement peut être plus que proportionnel pour certaines couches de la population (selon le lieu de résidence, la profession ou la classe sociale).
La loi sur l'aménagement du territoire oblige les cantons à mettre en place une planification permettant de réduire à environ 15 minutes les trajets pendulaires (travail, achats, formation), au moins dans les zones urbaines et les agglomérations proches des centres (avec un délai de mise en œuvre et l'interdiction de construire du nouveau dans les cantons qui n’atteignent pas l'objectif).
Pour les infrastructures routières fortement fréquentées, telles que les tronçons d'autoroute, il convient d'introduire une tarification ou une limitation d'accès, au moins momentanées (à l'instar de la taxe d'utilisation, conforme à la Constitution, pour le tunnel du Grand-Saint-Bernard ou du système de réservation de créneaux horaires, par exemple pour le tunnel du Gothard).
La déduction fiscale pour les pendulaires est supprimée ; il est également possible d’introduire une déduction forfaitaire (optionnelle) pour les frais professionnels, indépendante des habitudes pendulaires, à l'instar du canton de Berne. Le travail en home office n’est plus entravé par la fiscalité et le droit du travail.
Les offres de partage de voiture et le covoiturage sont encouragés (cf. voies séparées).
A partir de 2030, les voitures de tourisme fossiles ne pourront être mises en circulation qu'à titre exceptionnel. Les incitations correspondantes peuvent être mises en place soit par une structuration plus ambitieuse de l'instrument existant pour les voitures neuves (20gCO2/km en moyenne, à savoir ¾ de purement électrique), soit par un malus financier par véhicule, ajouté à la réglementation actuelle des flottes, comme en France.
A partir de 2035, les voitures de tourisme et les véhicules utilitaires équipés d'un moteur à combustion soit fonctionneront entièrement avec des carburants synthétiques renouvelables, soit leurs émissions seront compensées par l'élimination des émissions de CO2. Au moment de l'achat d’une voiture neuve ou d'occasion, ces exigences doivent être communiquées dès maintenant.
À partir de maintenant, les locataires et les propriétaires par étage ne doivent plus être empêchés d'installer eux-mêmes des bornes de recharge, d’autant que les futurs acheteurs de voitures électriques en profiteront également. Au plus tard en 2028, les locataires devront pouvoir faire valoir leur droit à une place de parking équipée d'une borne de recharge, éventuellement en combinaison avec une indemnisation pour les propriétaires.
Les tarifs RPLP dépendent fortement des émissions de CO2 engendrées.
La RPLP est étendue aux camionnettes de livraison, car celles-ci ne couvrent pas leurs coûts externes et ni les dommages climatiques qu’elles causent, et le nombre de kilomètres parcourus par ces camionnettes a fortement augmenté et continuera d'augmenter.
Le transport aérien est à l'origine de 11% des émissions de CO2 en Suisse. Mais un avion émet également d'autres composants qui affectent le climat, comme la vapeur d'eau et les oxydes d'azote. Dans le cadre du budget d'émissions encore disponible et de la définition d'une trajectoire de réduction permettant de respecter les objectifs climatiques, les bases scientifiques actuelles conseillent de pondérer les émissions de CO2 par un facteur de 3. Par conséquent, le transport aérien est actuellement responsable de 27% de l'impact climatique en Suisse, ce qui en fait le secteur le plus néfaste pour le climat...
Différents leviers permettront d'aligner le transport aérien avec les objectifs climatiques. Tout d'abord, la demande de voyages en avion baissera, entre autres grâce à une prise de conscience générale par la population du fort impact d'un simple vol sur notre empreinte carbone, la forte hausse des prix des billets d'avion et du fret aérien, ainsi qu'au développement des moyens de transports alternatifs pour les courtes et moyennes distances. D'autre part, le trafic aérien restant sera totalement décarboné jusqu'en 2035, principalement via l'utilisation de carburants synthétiques et avec l'aide d'autres solutions techniques. Parallèlement, l'impact climatique des émissions hors CO2 restant sera annulé avec l'utilisation de technologies d'élimination de CO2 jusqu'en 2050.
Le niveau du trafic aérien, en 2050 et d'ici là, sera défini par le budget d'émissions que la Suisse décide de lui allouer, ainsi que par la disponibilité des solutions techniques. À moyen terme, ces dernières ne seront disponibles qu'en quantité limitée. Par conséquent, le trafic aérien doit fortement diminuer pour s'aligner avec les objectifs climatiques.
Actuellement, la politique aéronautique vise principalement à créer un cadre permettant de satisfaire la demande de voyages aériens, sans une prise en compte conséquente d'une trajectoire de réduction des émissions compatibles avec les objectifs climatiques.
Les billets d'avion sont très bon marché. Cela grâce à des privilèges fiscaux - le trafic aérien international n'étant soumis ni à l'impôt sur le carburant, ni à la TVA, ni à la taxe sur le CO2 - et des conditions de travail souvent précaires pour le personnel aérien. En conséquence, le trafic aérien et son impact climatique augmentent rapidement et continuellement.
Les billets bon marché de l'aviation lui donnent un avantage concurrentiel inapproprié par rapport à d'autres alternatives moins polluantes telles que le train, et freine leur développement.
Dans un pays riche comme la Suisse, de nombreuses raisons font que l'aviation fait partie intégrante des habitudes, par exemple : faire une partie de ces études à l'étranger est considéré comme normal ; les Suisse-es veulent pouvoir découvrir le monde ; les expériences de voyages sont souvent considérées comme un fort marqueur de statut social ; de nombreuses personnes ont de la famille et des proches éparpillés dans le monde ; certaines activités économiques nécessitent de se rendre à l'étranger.
Nos sens ne nous permettent pas de percevoir l'ampleur de l'impact climatique d'un voyage en avion et de nous rendre compte de ce que cela signifie pour notre empreinte climatique individuelle. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est difficile d'en appeler uniquement à la responsabilité individuelle.
Selon les propres estimations de l'industrie aéronautique, les avions électriques et à hydrogène ne seront disponibles qu'en faible quantité d'ici 2050. De plus, ils seront de petites tailles et ne pourront effectuer que des vols court/moyens courrier. Leur impact sera donc très limité, surtout si le trafic aérien continue d'augmenter.
Les carburant d'aviation durable (SAF) dont face à de nombreux défis. D'une part, les biocarburants issus de déchets durables et n'entrant pas en concurrence avec la production alimentaire, ne sont disponibles qu'en quantité très limitée. D'autre part, les électrocarburants et les carburants solaires n'en sont qu'au stade pilote et la grande quantité d'énergie nécessaire à leur production est aussi convoitée par les autres secteurs. À cela s'ajoute que les SAF ne réduisent que partiellement les émissions hors CO2 de l'aviation.
La quantité de fret aérien augmente parce qu'il est trop bon marché, que la vitesse de transport est un argument de vente à l'ère des commerçants en ligne mondiaux et des stocks plus bas, et que les moyens de transport alternatifs sont devenus plus chers et moins sûrs (par ex. canal de Suez, canal de Panama, etc.).
Les priorités de la politique aéronautique suisse ont été redéfinies, (LUPO, Partie conceptuelle du PSIA), en fixant notamment un budget carbone et une trajectoire de réduction des émissions pour l'aviation
Le principe du pollueur-payeur est appliqué. Mettre fin à certains avantages fiscaux du trafic aérien international (taxe sur le kérosène et TVA) ne dépend pas que de la Suisse. Il convient donc d'introduire une taxe sur les billets d'avion et le fret pour les vols au départ de la Suisse, qui sera définie selon les émissions du voyage, en prenant en compte la distance et de classe de transport.
Une trajectoire de réduction des émissions de CO2 est mise en place afin d'atteindre zéro émission en 2035. Le budget carbone restant est distribué entre les aéroports qui devront assurer une distribution équitable et socialement juste du nombre de décollages encore possible. Cette mesure incitera à une accélération du développement et de l'utilisation de solutions techniques.
Une trajectoire de réduction des émissions hors CO2 est mise en place pour arriver à zéro émission nette d'ici 2050. Les solutions techniques permettront d'atteindre une partie de cette réduction. L'impact climatique des émissions hors CO2 restant sera éliminé grâce aux technologies d'élimination de CO2.
Le développement de moyens de transports alternatifs à l'aviation s'accélère Près de 80% des passagers décollant de la Suisse ont une destination européenne. Il s'agit ici de leur proposer une offre de transports publics étoffée et fiable. Le système de réservation et de suivi de voyage doit aussi être fortement simplifié et amélioré.
La population est sensibilisée sur l'impact climatique des voyages en avion. La loi sur le CO2 prévoit qu'à partir de 2025, les publicités d'un voyage en avion doivent indiquer l'impact climatique occasionné par le vol. Ce premier pas vers la transparence doit être complété par des programmes de sensibilisation à grande échelle, menés par les offices fédéraux compétents, ainsi que des informations visibles sur les sites de réservation de voyages en avion.
Le personnel du secteur aérien et touristique qui sera touché par la réduction du trafic aérien seront soutenus. Il convient de leur fournir une aide financière et une reconversion professionnelle.
L'agriculture suisse est à l’origine d’environ 6 millions de tonnes de CO2 par an. A cela s'ajoutent les émissions de gaz à effet de serre dues aux aliments importés, de sorte que l'alimentation est responsable d'environ un quart de l'empreinte écologique des ménages suisses .
23 https://www.bs.ch/pd/kantons-und-stadtentwicklung/grundlagen/nachhaltige-ernaehrung
Afin de réduire les émissions causées par le système alimentaire il est indispensable de modifier la production, la consommation et le traitement des aliments. L'objectif est de mettre en place une agriculture diversifiée et respectueuse du climat, basée sur des principes agroécologiques, qui protège les sols, renforce la biodiversité et renonce aux pesticides chimiques de synthèse. L'élevage subsistant doit être basé sur les herbages, tandis que la gestion de l'eau et les systèmes agroforestiers augmentent la résilience face au changement climatique. Une alimentation à base de plantes et moins de gaspillage alimentaire sont essentielles. Les supermarchés encouragent la consommation locale respectueuse de l'environnement et réduisent le gaspillage alimentaire. La chaîne de valeur ajoutée doit être conçue de façon à ce qu’elle garantisse aux agriculteurs des moyens de subsistance sûrs, et à tout le monde une alimentation saine et respectueuse du climat.
L'agriculture continuera à générer des émissions de protoxyde d'azote et de méthane en particulier. Les technologies d'élimination du CO2 sont donc nécessaires pour atteindre l'objectif net zéro.
En Suisse, la cohérence politique fait défaut : les subventions nuisibles au climat et à la biodiversité, p. ex. la promotion des ventes, entraînent de fausses incitations et des distorsions du marché. En outre, le système actuel des paiements directs favorise un patchwork de mesures qui empêchent de créer des synergies, mais qui poussent à prendre des mesures dans les exploitations qui s’annulent mutuellement quant à leur effet positif sur le climat ou la biodiversité.
La chaîne de la valeur ajoutée n'est pas transparente : en raison de leur pouvoir de marché, ce sont souvent les grands distributeurs qui décident qui obtient combien pour un produit. Or, cela ne reflète souvent pas les coûts réels et conduit à des incitations contre-productives et donc à des décisions non durables, tant du côté de la production que de la consommation.
Une grande partie de la valeur ajoutée de l'agriculture suisse repose sur la production animale, entre autres parce que celle-ci profite, directement ou indirectement, des trois quarts des subventions fédérales. La transformation durable et socialement responsable de ce principe, qui permettrait aux producteurs de réformer leur système d'exploitation se fait attendre. Les investissements à long terme, et donc l'endettement, notamment dans l'élevage et la construction d'étables, font que l'élevage joue un rôle essentiel dans la stabilité économique des exploitations.
Le système agricole bouge difficilement, les transformations, innovations et changements de système sont difficiles. En voici les raisons principales : un système de paiements directs qui rend les agriculteurs dépendants, des contenus obsolètes dans la formation et la recherche, l’intérêt pour le maintien du statu quo d'acteurs importants dans et autour de l'agriculture qui profitent de l'agriculture intensive (p. ex. les producteurs et importateurs d’engrais, de pesticides et de fourrage). En outre, les effets de la transition agricole n'apparaissent que des années après la mise en œuvre de systèmes, pratiques et méthodes alternatifs.
De nombreuses habitudes alimentaires sont ancrées dans notre culture. Si nous continuons à nous accrocher aux habitudes alimentaires traditionnelles, comme celles basées sur les produits animaux, il est difficile de réussir la transition. Il faut de nouvelles normes alimentaires, de sorte que le choix en faveur du climat devienne normal au restaurant comme à la maison.
L'impact climatique de chaque produit du système alimentaire suisse est reflété dans le prix payé par les consommateurs grâce à une taxe généralisée sur les gaz à effet de serre, y compris la péréquation fiscale à la frontière. Cela encourage l'alimentation locale et saisonnière, principalement végétale. Les produits fabriqués selon des méthodes nuisant au climat dans des pays lointains ne peuvent plus rivaliser avec la production locale, si bien qu’une alimentation saine et climato-compatible devient abordable pour tous, puisque son prix baisse alors que les prix des produits nocifs pour le climat augmentent. Les producteurs obtiennent des prix équitables qui assurent une agriculture durable.
Les subventions néfastes pour le climat et la biodiversité, telles que la promotion des produits animaux, sont supprimées.
Les paiements directs, qui actuellement favorisent l'élevage, sont réorientés vers la production alimentaire végétale. Le système actuel de paiements directs est remplacé par des paiements basés sur des objectifs d'exploitation respectant les services écosystémiques bons pour le climat et les principes agroécologiques. Des systèmes d'agroforesterie et de gestion de l'eau sont introduits et promus à l’échelle nationale.
Un fonds de transition finance l'adaptation de la production agricole ; les agriculteurs bénéficient d’un accompagnement suivi.
L’objectif fixé par la Confédération oblige les détaillants et la restauration collective d’adapter leur assortiment aux objectifs climatiques et de ne plus proposer de produits nocifs pour le climat. En lieu et place, ils sont tenus de proposer et promouvoir des produits végétaux, locaux et saisonniers, issus de l'agriculture écologique et vendus à des prix abordables. Le gaspillage alimentaire est enrayé grâce à une taxe Food Waste du côté des consommateurs ; en effet, une taxe minimale suffit déjà pour réduire le food waste de 20%. Les détaillants sont incités à réduire le gaspillage alimentaire par un système de certificats négociable.
24 https://ieep.eu/wp-content/uploads/2024/06/Addressing-Food-Waste-in-the-retail-sector-IEEP-2024-1.pdf
Les recettes de la taxe sur les gaz à effet de serre servent à financer la remise en eau des 1000 ha de tourbières hautes drainées.
Une loi sur la chaîne d'approvisionnement garantit que les denrées alimentaires importées sont produites dans des conditions durables afin d’empêcher le transfert des émissions à l’étranger. L'importation de produits nocif pour le climat est réduite par la péréquation fiscale à la frontière.
La recherche et la formation agricoles sont axées sur des méthodes et systèmes de culture respectueux du climat, résilients et agroécologiques. Le développement et l'application de nouvelles technologies visant à améliorer l'efficacité des ressources (p. ex. des systèmes d'irrigation économes en eau), à utiliser et à développer des variétés robustes tout en protégeant le patrimoine paysan et la propriété intellectuelle, ainsi que la promotion d’outils techniques tels que des machines pour l’agroforesterie ou les cultures mixtes sont encouragés.
L'approvisionnement en énergie, qui jusqu'ici repose essentiellement sur les énergies fossiles et nucléaires, passe à 100% d'énergies renouvelables d'ici 2035. Cela est possible grâce à une électrification accrue et au passage aux combustibles et carburants renouvelables (par exemple pour l'aviation), qui continueront d’être importés à l'avenir, du moins en partie. Ces besoins sont particulièrement élevés dans l'aviation et ne peuvent être couverts par la production nationale. Le processus en cours, qui voit la construction de centaines de milliers de petites et moyennes centrales solaires, modifie les exigences en matière de réseaux et de stockage. Le smart grid, qui intègre non seulement la production d'électricité mais aussi les bâtiments et l'électromobilité, devient une obligation.
25 https://energiewende2035.umweltallianz.ch/
Pour que le tournant énergétique soit largement accepté, la protection de la biodiversité, du paysage et du patrimoine est prise en compte, voire renforcée là où c'est possible. Un vaste mélange d'énergies renouvelables sert à augmenter la résilience du système électrique. Le plus frappant pour l’œil, ce sont les transformations des toits, des façades et des infrastructures. L’extension ciblée des réseaux et une nouvelle génération de transformateurs répondent à la demande croissante en électricité et à l'évolution des méthodes de production.
Au lieu de construire de nouvelles centrales électriques, les fonds sont investis dans la transition énergétique et dans les possibilités existantes de gestion de la demande, et les capacités de stockage et de production disponibles sont exploitées autant que possible.
Obtenir de nouvelles surfaces sur les bâtiments/infrastructures pour rajouter chaque année 2,5 GW de photovoltaïque est une tâche exigeante, car de nombreux propriétaires craignent l’effort, ne disposent pas des moyens financiers nécessaires ou ne veulent pas s'engager pour 30 ans.
Si les adaptations du réseau et les transformateurs bidirectionnels sont réalisés trop tard, les nouvelles centrales ne peuvent être raccordées au réseau à temps.
Faute d'évaluation environnementale stratégique, d’études sur la biodiversité et de rapports d'impact sur l'environnement (RIE) suffisants, trop de projets contraires à la loi sont développés ou les projets sont optimisés trop tard.
Les procédures d'autorisation pour les centrales et les infrastructures durent généralement trop longtemps en Suisse, entre autres, parce que les autorités et les tribunaux ont besoin de beaucoup de temps pour chaque étape de la procédure.
L’opportunité d'améliorer l'état critique de notre système aquatique par l'assainissement des centrales hydroélectriques existantes et par la correction des cours d'eau est trop peu exploitée. Cela s’explique par la lenteur des planifications cantonales et par le manque de moyens de soutien de la part de la Confédération.
Les batteries de voitures électriques potentiellement très nombreuses ne peuvent être utilisées en faveur du réseau que si elles sont connectées le plus souvent possible, y compris dans les immeubles de location, et que leur fonctionnement est bidirectionnel. Il importe également de mettre en place les bonnes incitations en proposant des tarifs dynamiques. Les conditions nécessaires ne sont cependant pas réunies aujourd'hui.
Quand des spécialistes et des instances d'autorisation consacrent leur travail à de nouvelles centrales thermiques de réserve (centrales à gaz), ils manquent pour promouvoir la transition énergétique.
Les discussions à propos de nouvelles centrales nucléaires détournent l’attention des instances de décision et de la population du développement, pourtant si important, des énergies renouvelables. Si les centrales nucléaires devaient être subventionnées, l'argent manquerait pour le financement des énergies renouvelables, ce qui reviendrait à saboter leur développement.
À l’instar de l’UE, des standards solaires doivent être indroduits. Lors de constructions nouvelles ou de rénovation d’anciens bâtiments, les grandes surfaces – que ce soit sur les bâtiments non résidentiels, sur les parkings et autres infrastructures ou sur les bâtiments résidentiels – doivent être priorisées et conçues de sorte qu'une augmentation d'environ 2,5 GW par an soit possible.
Des exigences claires, assorties de sanctions efficaces, conduisent les gestionnaires de réseau de distribution à adapter leur infrastructure et à ne pas retarder les raccordements.
Les standards pour la définition des zones d’aptitude cantonales et les exigences minimales que doivent remplir les rapports d'impact sur l'environnement sont augmentés.
Les taxes en faveur de l'assainissement des cours d'eau sont ajustées afin d'en assurer le financement.
Le droit à la recharge des voitures électriques est réalité ; la recharge bidirectionnelle devient profitable en termes de tarifs et de subventions.
Des tarifs dynamiques adaptés au réseau et assortis d'une garantie de prix fournissent aux consommateurs des conditions-cadres transparentes et socialement équitables. De plus, ils assurent la gestion de la demande, ce qui réduit, voire empêche les expansions de capacité coûteuses du réseau de distribution.
La promotion publique, directe ou indirecte, de nouvelles centrales thermiques de réserve ou de centrales nucléaires nouvelles ou existantes est exclue.
Le secteur financier suisse, dans son ensemble, fait partie de la solution en matière de transformation globale. Par leurs investissements, les acteurs financiers suisses sont responsables d’émissions très élevées à l’étranger (environ 14 à 18 fois les émissions générées en Suisse). C'est pourquoi nous disposons avec la place financière suisse et les flux financiers (investissements, financements, assurances, etc.), d'un important levier à l'échelle mondiale.
26 Étude McKinsey 2022 https://www.mckinsey.com/ch/~/media/mckinsey/locations/europe%20and%20middle%20east/switzerland/our%20insights/klimastandort%20schweiz/klimastandort-schweiz.pdf
Les conditions-cadres juridiques et les normes sociales rendent les investissements, crédits et services d'assurance attrayants pour les projets et les entreprises durables et respectueux du climat. La place financière suisse se retire des projets impliquant des énergies fossiles.
La Suisse ne promeut et ne protège plus que les investissements directs durables à l'étranger, en exigeant systématiquement et explicitement le respect des droits humains et de la protection de l'environnement dans les pays partenaires.
Le secteur financier suisse finance la transformation de l'économie réelle à court et moyen terme, conscient qu'une transformation désordonnée ou trop tardive coûtera beaucoup plus cher à la société à long terme, et que, sans mesures efficaces, la compétitivité dans la "course au sommet" face aux autres places financières diminuera à moyen terme.
La Suisse laisse derrière elle le débat stérile sur la question de savoir si le premier pas doit être fait par l'économie réelle ou financière, et se concentre sur les forces et instruments transformateurs.
Les consignes contraignantes ainsi que les mécanismes de contrôle et de sanction indépendants manquent : la réglementation actuelle de la Confédération en matière de durabilité dans le secteur financier mise principalement sur les mesures volontaires et l’autorégulation de la branche ainsi que sur des recommandations de transparence (tests de compatibilité climatique PACTA, Swiss Climate Scores, etc.) Celles-ci ne sont pas suffisantes, et il règne une certaine désorientation - notamment au vu de l’évolution dynamique de la réglementation de l'UE en matière de durabilité dans le secteur financier.
En raison de l'absence de consignes de responsabilité pour les entreprises et leur direction, de nombreux acteurs des marchés financiers ne voient pas le lien entre leurs activités et l'impact sur le climat et l'environnement.
Les dispositions réglementaires actuelles du droit des marchés financiers et du droit des sociétés anonymes encouragent la pensée à court terme (p. ex. le reporting des bénéfices et des pertes par trimestre). L'important principe de précaution n'a pas sa place dans la régulation des marchés financiers. Les assurances, par exemple, proposent des contrats à court terme et empêchent ainsi des variantes respectueuses de l'environnement en cas de sinistre, qui demandent des investissements initiaux plus élevés.
Le lobby en faveur de la dérégulation et contre les directives et mesures étatiques dans le secteur financier est puissant et efficace. De nombreux acteurs du marché financier combattent les nouvelles mesures par crainte d'une bureaucratie croissante et d'une augmentation générale de la bureaucratie en matière de reporting et de transparence.
La prise de conscience écologique et l’intérêt croissant de la clientèle pour des placements verts et durables ont fait augmenter le risque d'écoblanchiment. Or, le secteur financier a jusqu’à présent réussi à empêcher que l'État ne prenne des mesures efficaces contre l'écoblanchiment.
Actuellement, les conditions-cadres appropriées pour les investissements verts sont inexistantes sur le marché financier.
27 Climate Tech's Dangerous Trek Across the 'Valley of Death' (Bloomberg) https://www.bloomberg.com/news/articles/2024-07-03/climate-tech-s-dangerous-trek-across-the-valley-of-death
Les investissements, prêts et services d'assurance pour des projets et entreprises qui promeuvent de nouvelles infrastructures en faveur de l’énergie fossile sont économiquement inintéressants, voire interdits.
Les institutions financières sont tenues par la loi de présenter des plans de transition pour la décarbonisation. Ceux-ci doivent comporter des objectifs climatiques basés sur des données scientifiques, alignés sur les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat (y compris les émissions scope 3), ainsi que des objectifs intermédiaires et des mesures pour les atteindre.
Afin d’assurer la transparence à l’intérieur du secteur financier comme pour le public, les normes comptables suisses actuelles (par ex. Swiss GAAP RPC) sont élargies à la documentation des émissions de CO2, en tenant compte de tous les domaines (scope 1-3). Cette extension est aussi un critère pour l'admission à la Bourse suisse. La participation aux tests d'impact climatique bisannuels de l'OFEV est obligatoire pour tous les établissements financiers, y compris la Banque nationale. L'OFEV peut publier les résultats des tests.
Il est important d'orienter les capitaux vers des secteurs ou entreprises respectueux du climat, puisqu’ils sont nécessaires à la transition de l'ensemble de l'économie vers une économie neutre en CO2 : Cela peut se faire, entre autres, par le biais d’une banque d'investissement verte, qui met à disposition des moyens et des crédits pour les investissements verts et qui doit éviter les primes de risque sur les intérêts .Les pouvoirs publics jouent un rôle de pionnier en obligeant notamment les entreprises publiques à respecter des normes de durabilité claires et strictes lors de leurs investissements (aussi à l’étranger). Des listes d'entreprises négatives sont élaborées à l’intention de tous les investisseurs publics ; elles sont régulièrement contrôlées quant à l’actualisation des critères, étendues à tous les domaines de la durabilité, et déclarées obligatoires. Les accords bilatéraux de protection des investissements, principal instrument de protection des investissements directs à l'étranger, sont limités aux investissements durables et climato-compatibles.
28 https://climatestrike.ch/posts/cap-1-cross-sectoral-policies#policy-measures_policy-1-9-climate-bank-climate-agencies
Les obligations fiduciaires doivent être étendues à leur impact climatique. Il est indispensable de reformuler les textes de loi pour que les investisseurs institutionnels puissent exercer leurs obligations fiduciaires en toute sécurité juridique.
En tant qu’acteurs d'une offensive d’éducation et de formation (continue), les entreprises du secteur financier suisse sont tenues de former tous leurs employés sur le thème des risques climatiques d'ici 2030.
Dans le cadre de l'actionnariat actif (Active Ownership), les investisseurs et les gestionnaires d'actifs utilisent leur poids en tant que financiers vis-à-vis des entreprises qui ont la plus grande responsabilité dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre, en suivant une stratégie d'escalade consultable publiquement.
Les pays les plus pauvres ont le moins contribué au réchauffement climatique mais sont les plus touchés par ses effets négatifs et ont le moins de moyens financiers pour s'adapter aux conditions modifiées. Voilà pourquoi les coûts pour qu’ils puissent s’adapter au changement climatique et couvrir leurs pertes et dommages sont, en grande partie, pris en charge par les entreprises et États responsables du réchauffement du climat, dont la Suisse fait partie.
Les pays peuvent ainsi se développer dans le respect du climat et mettre en place des systèmes d’approvisionnement en énergie renouvelable pour leur population et leur économie. Ainsi, la transformation en faveur du climat va de pair avec le développement durable. La lutte contre la pauvreté réduit indirectement la vulnérabilité des personnes face aux effets négatifs du réchauffement climatique, puisque dans tous les pays, ce sont les personnes les plus pauvres qui ont le moins de marge de manœuvre pour se protéger de la chaleur, du trop ou du trop peu d'eau, etc. La justice climatique implique donc également une réduction des inégalités mondiales.
L’Accord de Paris impose aux pays industrialisés d’apporter un soutien financier aux pays en développement. Le montant en est négocié dans le cadre d'objectifs de financement pluriannuels fixés par l'ONU. Selon la convention-cadre, la contribution des différents pays industrialisés doit être fonction de leurs responsabilités communes mais distinctes, de leurs capacités respectives ainsi que de leur situation sociale et économique. La Suisse honore cet engagement international en intégrant dans son budget national une contribution financière adéquate pour la transformation globale et en en assurant le financement à long terme.
Le déficit de financement dans les pays pauvres s'accroît d'année en année et freine la transformation.
Rares sont les pays qui peuvent se permettre des prêts aux taux d'intérêt élevés courants, alors que ceux-ci sont largement répandus dans le financement international de la lutte contre le changement climatique. Au niveau international, une part trop faible du financement est accordée sous forme de subventions.
L'objectif de financement international actuel de 100 milliards de dollars par an est atteint principalement grâce à des astuces comptables et ne peut pas combler le déficit. La Suisse ne s’acquitte pas non plus de sa responsabilité de verser sa juste part et de fournir un soutien financier approprié aux pays plus pauvres pour la réduction et la couverture des dommages et pertes.
La crise de la dette des pays du Sud empêche de nombreux pays pauvres de financer leur propre transition. Les taux d'intérêt de leurs emprunts d'État sont bien plus élevés que ceux des pays riches.
La crise de la dette dans le Sud global accroît dans bien des cas la dépendance des énergies fossiles. En effet, pour rembourser leurs dettes, les pays sont tributaires de devises étrangères qu'ils ne peuvent jusqu'à présent générer que par l'exportation de matières premières. Tant que ces pays ne pourront pas diversifier leurs activités économiques, la transition restera pour eux un objectif inatteignable.
Le financement privé en faveur du climat ne fonctionne que là où les investisseurs peuvent s’attendre à un rendement et où les risques ne sont pas jugés trop importants, c'est-à-dire principalement pour les investissements dans les pays à revenu moyen et élevé, mais ni pour les projets d'adaptation, ni pour la couverture des dommages et des pertes dans les pays les plus pauvres.
Dans les pays du Sud, les investissements privés en provenance de l'étranger entraînent une sortie de devises en raison du rapatriement des bénéfices, ce qui aggrave leur situation d'endettement.
Pour mobiliser des fonds privés en faveur du financement climatique, il faut aussi des fonds publics (p. ex. pour la réduction des risques), qui concourent avec le financement public sous forme de subventions.
La Suisse connaît un frein à l'endettement très strict. C'est pourquoi des négociations budgétaires ardues sont menées chaque année. Les dépenses qui profitent indirectement à la Suisse sont alors souvent moins prises en compte que celles qui profitent directement à des groupes d'intérêts en Suisse. Les dépenses en faveur du climat profitent indirectement à la Suisse, puisqu’ils permettent, p. ex., de réduire le risque qu’apparaissent de nouveaux foyers de conflits et motifs de fuite dans le Sud global, mais il n'est directement utile à personne dans le pays, contrairement aux contributions versées aux pompes à chaleur ou aux installations solaires. Il s’agit là d'un obstacle de politique intérieure pour le Conseil fédéral, raison pour laquelle il a fixé la juste part de la Suisse à l'objectif des 100 milliards à un niveau trop bas ; de plus, il prélève une grande partie de la somme sur le budget existant de la coopération internationale, au lieu d'allouer des moyens supplémentaires à cet effet, comme l'exigerait la convention-cadre sur le climat.
Une nouvelle loi sur le financement international de la lutte contre le changement climatique est introduite afin de réaliser l'objectif de financement international après 2025 : a) définition de la juste part de la Suisse comme étant d'au moins 1% de sa performance économique (part du PIB des pays donateurs) et de sa responsabilité historique (empreinte climatique, y compris les importations et la coresponsabilité pour la place financière et le marché des matières premières) ; b) participation d'au moins 1% au renflouement du fonds de l'ONU pour les pertes et dommages ; c) l'utilisation des moyens mis à disposition d’institutions, de fonds et de programmes pour le financement de mesures dans les pays destinataires fait l’objet d’un rapport publique annuel; d) aucune contribution n’est versée au détriment d'autres objectifs de la coopération internationale tels que l'éducation ou la santé ; e) introduction de moyens supplémentaires provenant de sources de financement basées sur le principe du pollueur-payeur (voir le chapitre Financement).
La Confédération introduit également l’obligation pour les entreprises suisses ayant une responsabilité climatique historique élevée de verser une contribution équitable au fonds pour les dommages et pertes dans les pays du Sud.
La Suisse s'engage à atténuer la crise de la dette. Elle n'est pas une grande créancière dans le Sud global, mais doit veiller à ce que les créanciers privés ayant leur siège en Suisse participent aux procédures de désendettement.
Comme promis lors de la conférence sur le climat de Glasgow en 2021, la Suisse n’accordera plus d'aide publique à des projets d'énergie fossile à l'étranger (Déclaration de Glasgow).
Selon le GIEC, les dix prochaines années seront cruciales pour l’adaptation au changement climatique. La Suisse l'a reconnu, et elle saisit l’occasion. Elle augmente considérablement la vitesse de mise en œuvre des mesures d'adaptation afin que l'écart par rapport à la vitesse actuelle du changement climatique ne se creuse pas mais, au contraire, se réduise.
L'action rapide de la Suisse est décisive. Tant la réduction des émissions de gaz à effet de serre que l'adaptation aux nouvelles données climatiques peuvent réduire les conséquences et risques du dérèglement climatique. Moins on investit dans la mitigation, plus il faut investir dans l'adaptation afin de ramener les risques à un niveau tolérable. En fin de compte, notre vision et notre objectif communs sont le développement durable et la résilience climatique, qui entraînent des effets bénéfiques considérables, y compris dans des domaines n’étant pas directement liés au climat.
L'adaptation climatique doit tenir compte du fait qu'à partir de 1,5°C de réchauffement, les risques se multiplient (c'est-à-dire que la courbe ne suit pas simplement un cours linéaire). A partir de 2°C de réchauffement, de nombreuses mesures d'adaptation deviennent inefficaces, impossibles. De plus, les risques deviennent de plus en plus complexes et interconnectés. S’ajoute à cela que de nombreux risques systémiques sont encore peu et mal compris.
A l'échelle mondiale comme en Suisse, ce sont surtout des mesures d'adaptation incrémentielles qui ont été planifiées et mises en œuvre jusqu'à présent. Ces mesures ne modifient pas les structures et systèmes sous-jacents, mais ne font qu’agir au sein du système existant, de façon presque toujours ponctuelle.
L'adaptation climatique est un processus très transversal et ne peut donc pas simplement être abordée de manière sectorielle. La structure sectorielle de l’administration aux niveaux fédéral, cantonal et communal est donc forcément un obstacle important à la réussite de la transition.
Les individus, la société et la politique ont généralement du mal à concevoir l’inconcevable, si bien qu’il est difficile de faire prendre conscience de l’urgence de mutations ou d'événements qui se situent en dehors de l'horizon d'expérience.
À l’heure actuelle, les estimations des coûts de l'adaptation au dérèglement climatique sont très approximatives et incertaines. En Suisse, il faut certainement s'attendre à des coûts se chiffrant en milliards de francs ; ce montant représente un obstacle important même pour la Suisse, qui dispose pourtant de moyens financiers importants.
D'une part, l'adaptation est toujours insuffisante dans les différents secteurs politiques et économiques. D'autre part, en Suisse de nombreux efforts en sont encore au stade de projets pilotes. Le dernier rapport du GIEC, entre autres, a clairement démontré que le renforcement de l'adaptation doit désormais être une priorité absolue.
Les conséquences du changement climatique conduisent également à une augmentation des risques systémiques, et pas seulement de manière linéaire, puisque le changement climatique est susceptible d’entraîner le franchissement de points de basculement, que ce soit sur le plan national ou international, ce qui qui menace d’entraîner des risques (ou des catastrophes) très importants. C'est peut-être ce à quoi nous assistons actuellement en Amazonie. En Suisse comme ailleurs, les connaissances à ce sujet sont insuffisantes, ce qui constitue un obstacle important à l'adoption de mesures efficaces.
Le chapitre Conséquences financières et financement illustre comment les fonds destinés à l'adaptation climatique doivent être générés en Suisse. Les moyens nationaux ouvrent à la Confédération des possibilités supplémentaires pour soutenir des mesures d'adaptation aux niveaux cantonal et communal. Il importe donc d'accorder une attention particulière aux critères et champs d'action suivants :
L'adaptation au changement climatique est axée sur le bien-être, la santé et la sécurité de la population suisse ; les injustices sociales ne doivent surtout pas être aggravées par les mesures d'adaptation, mais au contraire réduites, voire évitées.
Les mesures d'adaptation visent à obtenir le plus grand nombre possible de co-bénéfices, par exemple dans les domaines de la biodiversité, de la protection du climat et, de manière générale, dans le domaine du développement durable. Par conséquent, les mesures transversales et intersectorielles doivent être favorisées partout où c’est possible.
Un domaine important de l'adaptation climatique est celui de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire : les concepts de la ville-éponge doivent être mis en œuvre de manière conséquente ; ils sont efficaces, à la fois, contre la chaleur et les fortes précipitations, et ils améliorent la qualité de vie (pour l'instant, ces efforts ne sont déployés qu'au niveau de projets pilotes et pour quelques constructions nouvelles; les coûts d'une mise en œuvre à plus grande échelle pour les bâtiments existants sont toutefois énormes, sans doute dans les milliards).
Il importe de soumettre les chaînes d'approvisionnement internationales à un examen rigoureux et d’identifier les risques importants, afin de prendre les mesures de prévention qui s’imposent (en particulier en ce qui concerne les risques systémiques et cumulés).
Le changement climatique et ses conséquences sur l'habitabilité dans différentes régions du monde feront augmenter la migration. Les conséquences s’en feront ressentir aussi en Suisse, qui doit les examiner en profondeur, afin d’adapter ses structures, sa législation, etc. et de s'engager en faveur de solutions équitables au niveau international.
29 Cf. Human Mobility in the Context of Climate Change (HMCCC)
Ressources en eau : la Suisse s’engage pour une gestion de l'eau qui vise à créer un équilibre entre l'offre (saisonnière) et les besoins des différents secteurs (production d'énergie, agriculture, tourisme, industrie, ménages, etc.), à assurer la conservation et le renforcement de la biodiversité, et qui résiste aussi bien à la pénurie d’eau qu’aux crues.
Bien que de nombreuses mesures de décarbonisation soient payantes sur le long terme, et même génèrent des bénéfices, les financements supplémentaires et la répartition des efforts à produire jouent un rôle de plus en plus important. Les 30 et quelques années perdues depuis le premier rapport du GIEC en 1990 signifient que la décarbonisation doit être fortement accélérée, ce qui revient à dire que nombre d’infrastructures, équipements et véhicules doivent être remplacés prématurément (stranded assets). À cela s’ajoutent des mesures d'adaptation, parfois coûteuses, afin de minimiser les dommages et les pertes ; et si les adaptations ne suffisent déjà plus, les dommages et les pertes doivent – dans la mesure du possible – être atténués financièrement, en Suisse comme dans le monde. Comme il a été expliqué dans le partie I consacré au budget CO2 restant, la Suisse a une grande responsabilité à cet égard, et des mesures, même onéreuses, pour l’élimination du CO2 de l'atmosphère semblent aujourd'hui indispensables.
Pour couvrir ces coûts considérables, nous proposons des taxes sur les émissions de gaz à effet de serre, directes et grises ; des taxes sur les billets d'avion sont également prévues.
Toutes ces taxes, comme les nombreux autres instruments d’action indispensables, risquent d’imposer des restrictions supplémentaires aux personnes déjà défavorisées, voire d’être à l’origine de nouveaux cas de rigueur. Au lieu de faire profiter plus de la moitié de la population de la redistribution intégrale de la taxe d'incitation, nous proposons de créer, à l'instar de l'UE, un fonds social pour le climat qui profiterait de manière ciblée aux personnes particulièrement concernées.
Du côté des dépenses, on peut estimer les ordres de grandeur suivants par an :
9 milliards de francs, soit la contribution au financement international de la Suisse pour le climat (1% d'un objectif de 1'000 milliards de dollars/an)
1 milliard de francs pour les mesures d'adaptation et 1 milliard pour les pertes et dommages en Suisse
5 milliards de francs pour l'élimination du CO2
30 Selon l'approche de la justice climatique et le succès de la décarbonisation rapide, les quantités sont importantes ou très importantes. Les coûts varient aujourd'hui de 50 à 1000 Fr/tonne et des technologies plus matures et à l'échelle pourraient apporter des réductions de coûts. On suppose donc que la décarbonisation sera étalée et financée sur plusieurs décennies.
5 milliards de francs pour la décarbonisation rapide en Suisse
31 R. Nordmann, Protection du climat et sécurité énergétique, Zytglogge Verlag 2023
10% des taxes pour le fonds social climatique
Cela représente un total d'un peu plus de 20 milliards de francs par an.
Les émissions nationales plus les émissions grises se sont élevées ces dernières années à plus de 100 millions de tonnes par an. En estimant les coûts des dommages climatiques actuels à une somme de 430 francs par tonne CO2, cela représente des recettes d'environ 40 milliards de francs par an. – Étant donné que la taxe sur les carburants pour l’aviation pourrait se heurter à des obstacles juridiques, c’est une taxe prélevée sur les billets d'avion qui génère les recettes nécessaires. On peut supposer – voire espérer – que, contrairement aux dépenses, ces recettes diminueront fortement d’ici 2040, ce en raison de la forte décarbonisation, pour atteindre p. ex. 10 milliards de francs par an.
32 https://www.are.admin.ch/are/fr/home/mobilite/bases-et-donnees/couts-et-benefices-des-transports.html
Si la taxe est introduite immédiatement, un fonds climatique correspondant devrait s'autofinancer d’ici 2040. Quant aux années suivantes, il faudra trouver d’autres sources de financement ; pour des raisons de justice entre les générations, la constitution d'un fonds pour l'avenir du climat/climatique doit toutefois être lancée dès aujourd'hui, et les bénéficiaires de l’industrie des énergies fossiles doivent passer à la caisse.
La protection du climat est-elle donc coûteuse ? Non, au contraire, c’est ce qui a été négligé jusqu’à présent, et qui risque de l’être à l’avenir, qui nous revient cher. Puisque les principales sources de revenus prévues sont les taxes basées sur le principe du pollueur-payeur, à hauteur des coûts des dommages climatiques causés, le montant des dépenses sera largement compensé par les économies générées grâce aux mesures de protection climatique. Cela en vaut donc la peine. Une recherche de l'Institut de recherche climatique de Potsdam estime les dommages climatiques mondiaux à une somme entre 19 et 59 billions de dollars d'ici 2050, ce en tenant compte uniquement des coûts prévisibles à l’heure actuelle. Pouvoir éviter une partie de ces dommages est critique, même si cela nécessite des investissements considérables.
33 https://www.nature.com/articles/s41586-024-07219-0
En 2006 et 2016 déjà, l'Alliance Climatique Suisse avait présenté un Masterplan climat qui détaillait la contribution que la Suisse pouvait apporter pour contrer la crise climatique. Le présent troisième plan réitère la voie à suivre, objectivement mais avec insistance, car l'urgence d'avancer à grands pas dans la protection du climat s'est encore accrue. Le défi est immense.
Dans le monde entier, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté au lieu de baisser, et les réductions d'émissions en Suisse sont largement inférieures à la trajectoire dessinée en 2016 – notamment parce que les instruments politiques recommandés en 2006 et 2016 par l'Alliance Climatique n'ont été mis en œuvre que de manière incomplète et insuffisante. La planète se réchauffe plus vite que prévu, et les conséquences néfastes confirment les scénarios les plus pessimistes. La crise climatique se manifeste de plus en plus violemment, et il est évident que les mesures prises jusqu'à présent pour y faire face sont inadéquates et insuffisantes.
Le Masterplan climat s'adresse aux décideuses et décideurs politiques. Au lieu de continuer à discuter, pendant des années encore, de la manière dont nous pouvons faire avancer la transformation, nous devons passer à l'action. Le Conseil fédéral, le Parlement ainsi que les pouvoirs exécutifs et législatifs cantonaux et communaux ont le devoir d'assumer leurs responsabilités. Ils le doivent aux citoyennes et citoyens, qui seront de plus en plus durement touchés si le changement n'a pas lieu.
Nous appelons les responsables politiques à introduire dès maintenant les nouvelles règles du jeu esquissées ci-dessus, en gardant la tête froide, mais conscients que le monde doit passer en mode de gestion de crise. Pour que cela réussisse, il est essentiel de sensibiliser et d'inclure la population, ce qui demande une écoute attentive, une politique d’information claire, beaucoup d’engagement et un leadership crédible.
Qu'une législation de transformation obtienne une majorité, cela ne dépend pas de la seule politique, mais de toute personne vivant en Suisse, qu’elle soit propriétaire d’entreprise, manager, collaboratrice, consommateur ou un simple membre de la société civile. Nous sommes toutes et tous appelés à quitter la voie du « comme si de rien n’était » et à nous engager pour un monde où il fait bon vivre.